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Sunday 29 July - 17e dimanche du temps ordinaire, année B
Donner pour recevoir
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Multiplier les pains, résoudre les problèmes de famine, recevoir directement du Ciel tout ce qui nous est nécessaire : voilà bien des désirs qui habitent l’être humain depuis toujours. Des désirs qui rejoignent nos plus grands besoins : sur terre, des millions de personnes ne mangent pas à leur faim et meurent de famine.
Il faudra d’ailleurs nous en expliquer devant le Seigneur, quand nous serons au Ciel. Rappelez-vous la parabole du pauvre Lazare, gémissant de faim à la porte de la maison du riche, qui ne le voit même plus.
L’Evangile de la multiplication des pains est donc d’abord une alerte pour nos consciences : que faisons-nous face aux besoins de nourriture de tant de monde sur terre ? Sommes-nous comme cet enfant qui donne ses pains et ses poissons pour répondre aux besoins des autres ? Ou fermons-nous les yeux, comme le riche de la parabole de Lazare ?
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La contribution de l’enfant qui a quelques pains et poissons paraît dérisoire : si peu pour nourrir tant de monde ! Mais, par la grâce du Christ, tous vont manger à leur faim.
Le Seigneur aurait-il pu nourrir la foule à partir de rien ? Certainement, puisqu’il est Dieu ; et Dieu crée à partir de rien. Mais il choisit, en Jésus-Christ, d’accueillir ce que nous offrons pour donner en abondance.
C’est le sens de l’offertoire de la messe, où nous présentons le pain et le vin, fruits de notre travail. Nous faisons aussi la quête à ce moment-là, un geste qui peut paraître, en soi, bien dérisoire : un ou deux euros, et sans davantage pour les plus généreux… mais qu’est-ce que c’est à côté de ce que le Christ nous donne en chaque Eucharistie : sa présence réelle, sa vie divine qui vient reposer en nous ? Notre don est toujours dérisoire ; mais il permet au Seigneur de donner avec surabondance.
Dieu choisit souvent de partir de nos générosités pour se donner Lui-même, car il veut nous associer à son mouvement de don. Quand nous osons un geste de bonté, nous avons l’impression que c’est toujours une petite goutte d’eau dans un monde aux mille besoins. Nos petites actions ne risquent effectivement pas de changer la face de la terre… mais croyons-nous que le Seigneur attend nos petites générosités pour, mystérieusement - et peut-être sans que nous le constations - les multiplier à l’échelle de son amour infini ?
Dieu choisit que, nous-mêmes, nous soyons d’abord dans la logique du don, pour qu’il puisse, Lui, donner encore davantage. La seule condition pour que ce miracle puisse se réaliser, c’est que nous nous dépossédions vraiment de ce que nous donnons.
Le petit enfant du récit de la multiplication des pains est obligé de lâcher dans les mains du Christ la nourriture qu’il possède. Il ne l’a pas jalousement gardée dans sa poche ou son sac, pour s’assurer que lui, au moins, puisse manger correctement.
Cet enfant aurait aussi pu reprocher aux autres de ne rien avoir apporté, et leur dire que c’était bien fait pour eux s’ils n’avaient rien à manger : ils n’avaient qu’à être prévoyants ! Le jeune homme aurait pu leur dire que ce n’était pas à lui de se déposséder, et de payer, en un sens, le manque d’attention des autres.
Mais non, il se contente d’offrir généreusement le peu qu’il possède, sans juger les autres et sans se mettre en avant. C’est sans doute la beauté de ce geste de don qui va permettre au Christ de le multiplier à l’échelle des besoins de toute la foule.
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Alors, nous aussi, quand nous donnons du temps, de l’attention, de l’affection ou de l’argent, faisons-le de tout cœur et sans calcul. Si notre don est pur de tout intérêt personnel, même s’il nous paraît peu de choses, Dieu va le multiplier d’une manière qui nous dépasse.
Ainsi, en notre sanctuaire, Benoîte Rencurel va-t-elle offrir son pain aux enfants de son village dans le besoin. Les Manuscrits du Laus nous disent que « cette charitable fille ne pouvait voir souffrir ces pauvres enfants : elle leur partage tous les jours son pain, à l’insu de leur mère » (CA G. p. 6 [52]).
Est-ce cette générosité enfantine qui va conduire la Vierge Marie à choisir Benoîte pour sa grandiose mission ? En tous cas, la servante du Laus s’est ainsi ouverte, par sa générosité, à la présence céleste. D’une certaine manière, on pourrait dire que la charité de Benoîte lui a ouvert les yeux sur la présence de Marie, des anges et des saints ; une ouverture qui s’est concrétisée dans les apparitions dont Benoîte a été le témoin privilégié.
C’est qu’il y a, dans la générosité et le partage, un mystère divin qui nous dépasse grandement. C’est le mystère d’une profonde union au Seigneur à travers ce qui le caractérise au plus haut point : le don gratuit. A chaque fois que nous faisons preuve de gratuité, nous ressemblons davantage à Dieu, et donc nous correspondons davantage à notre être profond.
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Votre présence au sanctuaire Notre-Dame du Laus peut donc être un moment favorable pour lâcher vos peurs de donner. Derrière de telles réticences, il y a sans doute des craintes de l’avenir qui n’en valent pas la peine ; il y a des peurs de manquer, qui sont en fait révélatrices d’un manque de foi.
Il y a aussi sans doute, dans nos réticences à donner, un enfermement dans de fausses sécurités, car jamais les biens matériels ne nous apporteront la véritable paix. Il y a dans nos hésitations à être généreux un doute sur le fait que le Seigneur puisse combler vraiment tous nos besoins.
Alors, ces quelques heures ou quelques jours que vous vivez ici sont d’abord une invitation à reconnaître que le Seigneur s’occupe de vous. Il n’y a donc pas à mener une vie parallèle à celle de la vie de foi ; une vie où il faudrait s’occuper de soi et de ses proches, à la place de Dieu.
Le Seigneur s’occupe de nous. Il demande seulement que nous entrions dans le grand mouvement de générosité qu’il est en lui-même. Comme Benoîte n’a cessé de le faire, ne soyons pas préoccupés d’abord de nous-mêmes, mais des autres. Ainsi, nous ressemblerons davantage au Christ ; et avec lui, nous pourrons réaliser des miracles de multiplication.
Amen.