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Sunday 19 July - Bien orienter la parabole
Dimanche 19 juillet - 16ème dimanche du temps ordinaire
Par le père Ludovic Frère, recteurDimanche 19 juillet 2020 – 16e dimanche du temps ordinaire
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Bien orienter la parabole
Les premières paroles d’un pape résonnent durant tout son pontificat. Les premières paroles d’un roi ou d’un président révèlent ce à quoi il aspire, son programme d’action et sans doute aussi une part de ce qu’il est. À plus forte raison pour les premières paroles du Sauveur du monde.
Tiens, quelles ont été les premières paroles de Jésus ? Oh, forcément, d’abord quelques « arheu » de nourrisson. Mais chez saint Matthieu comme chez saint Marc, les premières paroles publiques de Jésus arrivent bien plus tard, vers ses 30 ans. Le voilà qui proclame : « Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. » L’appel est clair. Le programme est donné. Le projet est en cours de réalisation : « le Royaume des Cieux est tout proche ».
Encore faut-il comprendre ce que c’est, ce Royaume. Est-ce le paradis, promis pour plus tard ? Est-ce une organisation terrestre gouvernée par le Seigneur ? Est-ce un royaume politique ou un règne dans les cœurs ? Un royaume présent ou à venir ? Un royaume visible ou invisible ? Est-ce l’Église catholique, ou au moins la communauté de l’Emmanuel ? Est-ce le monde actuel depuis la résurrection du Christ ?... c’est quoi, le « Royaume des cieux » ?
Même avec des années de pratique religieuse, avec des heures de prières, d’engagements caritatifs ou d’évangélisation, on peut encore s’interroger sur ce qu’est vraiment ce Royaume des cieux. Si vous deviez le définir ou l’expliquer à des non-croyants, s’il fallait donner envie du Royaume des cieux, qu’est-ce que vous diriez donc ?
* * *
Le Christ, Lui, choisit de nous introduire au mystère du Royaume des cieux par des histoires presqu’insignifiantes. C’est bien connu, on les appelle des paraboles : des histoires accessibles à tous, mais d’une profondeur abyssale.
Quand on emploie le mot « parabole » aujourd’hui, on pense plus souvent aux antennes pour capter la télévision qu’à ce procédé littéraire. Mais finalement, les deux ne sont peut-être pas si éloignés que cela : la parabole sur les toits de nos maisons permet de capter un signal qui vient d’en haut, pour le traduire en une image claire. De même pour les paraboles de Jésus, qui cite aujourd’hui le psaume 77 : « J’ouvrirai la bouche par des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde ».
Mais pour transmettre ce qui est à diffuser au grand jour, la parabole doit être bien orientée ; c’est ce que fait Jésus en expliquant les choses à ses disciples. Il oriente leur cœur vers ce qui est là maintenant et ce qui adviendra plus tard.
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Et ainsi, dit Jésus, « le Royaume des cieux est comparable à… » un champ avec du bon grain et de l’ivraie, à une petite graine qui devient un grand arbre, ou encore à du levain dans la pâte. Voilà pour ces 3 premières paraboles, qui expriment le mystère de la croissance du Royaume. Elles seront suivies de 3 autres paraboles, que nous recevrons dimanche prochain : le trésor dans le champ, la perle de grand prix et le filet jeté à la mer. Ce sera alors pour insister sur les fruits du Royaume.
Pour l’instant, le Christ nous appelle à contempler la croissance dans la durée. C’est d’autant plus opportun pour nous à entendre ici, que c’est au cœur du message du Laus. Le sanctuaire des plus longues apparitions mariale au monde n’en fait jamais un record, mais en déploie le message : le Seigneur prend le temps de la croissance. Viendra le moment du déploiement éternel, mais pour l’instant, nous vivons cette étape de la croissance invisible du grain dans la terre ou du levain dans la pâte.
De cette croissance, on peut déjà voir quelque chose, en ouvrant bien les yeux de la foi. On peut alors contempler les épis qui grandissent, l’arbre qui se déploie et la pâte qui gonfle. Mais l’essentiel du processus de croissance reste invisible à nos yeux. C’est moins confortable que de tout constater tout de suite, mais qu’est-ce que c’est enthousiasmant ! Rechercher des signes de la croissances du Royaume dans notre vie ordinaire, plutôt que nous arrêter à ce qui nous dérange, à ce qui ne va pas dans le monde, à ce qui est pénible chez notre voisin, à ce qui vous agace chez votre conjoint… mettons notre énergie à découvrir les signes de la croissance du Royaume, aujourd’hui !
Ce que le Christ nous demande, c’est d’y croire. Croire que la croissance se réalise magnifiquement, même s’il y a de l’ivraie. La croissance est l’œuvre de l’Esprit Saint, qui fait tout grandir. Le croyons-nous ? Le croyons-nous, même dans des contextes comme celui qui est le nôtre actuellement, où l’on constate une claire décroissance dans la pratique religieuse et la foi chrétienne ? Et s’il n’y avait pas que cela à voir ?
La promesse du Christ est sans condition. Alors, comme avec l’ivraie qui vient se mêler au bon grain et qui inquiète les ouvriers, laissons le Seigneur nous dire aujourd’hui : « Ne t’occupe pas de la récolte, c’est mon affaire. Pour toi, prends ta part à la croissance du Royaume, dans ton cœur, dans ton entourage, dans ta paroisse, dans ton pays ! Prends ta part ! »
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En fait, prendre notre part, c’est devenir nous-mêmes des paraboles pour les autres : des signes qui renvoient à une réalité plus grande. C’est peut-être le plus essentiel pour nous à savoir entendre : non seulement vouloir comprendre les paraboles, mais accepter d’être nous-mêmes des paraboles… dans les deux sens du terme, d’ailleurs !
1) Au sens littéraire, où la parabole est un procédé imagé pour dire une réalité plus grande. Que nous soyons donc des paraboles, pour en nous voyant agir, prier et parler, notre vie renvoie à du « plus grand que nous » : c’est tout le sens de l’appel à la beauté qui a éclairé notre session de ces jours.
2) Mais aussi « être des paraboles » au sens des télécommunications, c’est-à-dire recevoir le signal d’en-haut, en étant bien orienté, pour pouvoir ensuite le transmettre largement. Pour cela, la parabole n’est pas centrée sur elle-même, sans quoi elle ne captera jamais que ses propres ondes. Non, elle est centrée sur sa source, de laquelle elle reçoit ce qu’elle doit transmettre.
Ainsi, la parabole est incurvée. Une parabole est comme un creux pour capter ce qui vient de plus haut qu’elle. Elle est donc disponible à recevoir. Le plus grand modèle de parabole qui nous est donnée à contempler, c’est donc la Vierge Marie, quand elle accepte de porter le Sauveur du monde. Et nous, avec elle, c’est en creux, les mains vides, le cœur libre, que nous pouvons nous laisser rejoindre et faire rayonner l’amour du Seigneur.
Tiens, je me demande alors si le geste de lever les bras, qu’on fait souvent dans les groupes charismatiques, ne devrait pas d’abord viser cela. En levant les bras, notre corps et tout notre être prennent la forme d’une parabole. Comme si l’on priait : « Seigneur, je suis là pour te recevoir. Je me laisse orienter par l’Esprit Saint afin de capter ton amour, ta tendresse, ta puissance de vie !... Et pouvoir les transmettre aux autres, par la clarté d’une vie toujours plus généreuse et joyeuse !
Oui, frères et sœurs, nous sommes des paraboles ; parfois un peu rouillées ou pas toujours très propres, mais c’est la miséricorde divine qui, sans cesse, nous incurve davantage pour nous rendre toujours plus disponibles au message plus grand que nous !
Et ce message, c’est Quelqu’un : le Christ, dont le cœur bat la chamade d’amour pour nous. Un Dieu si proche, un Dieu ami et si beau qu’un seul grand désir vient habiter ceux qui Le rencontrent : traduire en clair, dans nos vies concrètes, ce qu’il déverse d’en-haut comme grâces et bénédictions.
Paraboles vivantes, nous devenons ainsi de beaux « témoins de la beauté du Dieu vivant » ! Alléluia !