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Sunday 1 March - 2ème dimanche de Carême
Dieu nous met-il à l'épreuve ?
Par le père Ludovic FrèreChaque année, les deux premiers dimanches du Carême nous conduisent avec le Christ d’abord au désert, puis sur la montagne de la transfiguration. Les tentations au désert sont comme un prélude à la victoire du Sauveur sur le mal. La transfiguration sur la montagne se présente quant à elle comme une annonce de la victoire du Christ sur la mort.
Le mal et la mort sont anéantis par le Fils de Dieu mourant sur la croix et ressuscitant au 3e jour : voilà ce que le Carême veut nous aider à accueillir chaque année, toujours plus en profondeur, pour que nous vivions dès maintenant de cette victoire et que nous oeuvrions résolument dans ce monde afin d’avoir part ensemble au bonheur éternel.
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En ce 2e dimanche de Carême, c’est donc le beau récit de la transfiguration que nous méditons. Un récit qui prend une coloration particulière quand on l’écoute à la lueur de la première lecture : le sacrifice d’Isaac. Dans ce récit complexe, le Seigneur pourrait sembler vouloir faire souffrir le cœur d’un père jusqu’au dernier instant, avant de retenir le couteau de l’offrande.
Mais comme tout l’Ancien-Testament, c’est à la lumière de Jésus-Christ que tout prend sens, et particulièrement aujourd’hui en reliant le sacrifice d’Isaac à la transfiguration. Un lien pertinent, puisque les deux événements se passent sur la montagne ; les deux mettent en scène un fils bien-aimé. Dans les deux épisodes, 3 personnes accompagnent ce fils ; et dans les deux encore, une alliance avec le Ciel nous est annoncée et offerte.
Que nous enseignent alors ces deux événements ainsi reliés ? D’abord, ils nous invitent à accueillir le Christ comme le nouvel Isaac, mais qui fait bien davantage, puisqu’il s’offre lui-même en sacrifice d’expiation.
Sacrifice d’expiation : sans doute cette notion sonne-t-elle difficilement à nos oreilles modernes, mais c’est bien ce mystère dans lequel nous serons plongés au terme du temps du Carême : le Christ a donné sa vie afin de nous racheter du mal et de nous affranchir de la mort. Lui qui était sans aucune complicité avec le péché a vaincu le mal par la pureté totale de son amour donné. Par son offrande parfaite, il a ainsi expié le poids considérable de péché qui avait fermé l’humanité à la vie véritable et il nous a ouvert les portes de la vie éternelle, ce qu’aucun être sur terre n’aurait jamais pu mériter par lui-même.
Dans le sacrifice d’Isaac, le fils ne semble pas vraiment comprendre ce qui lui arrive, tandis que Jésus-Christ fait consciemment cette offrande : « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18), dit-il sans ambiguïté. Seul le Fils de Dieu pouvait réaliser cette offrande parfaite ; lui qui resplendit de lumière à la transfiguration éclaire toutes les obscurités de l’humanité pour lui redonner vie.
Voilà donc, de manière résumée, le grand mystère de la foi que le Carême nous appelle à contempler encore pour en vivre davantage. Pour cela, de même que dimanche dernier, notre regard se fixait d’abord sur Jésus plus que sur nos efforts de Carême, aujourd’hui encore, nous sommes conduits à contempler le Christ rayonnant de sa lumière divine pour que nous continuions à fonder notre marche vers Pâques sur Lui et sur Lui seul. Et la voix du Ciel nous y appelle : « écoutez-le » !
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C’est seulement après nous être arrêtés longuement à cette contemplation du Christ resplendissant de lumière que, dans un deuxième temps, nous pouvons nous regarder nous-mêmes. Peut-être pour nous retrouver dans la figure d’Abraham et accepter avec lui une libération bien nécessaire.
Car l’histoire d’Abraham est bien un événement de libération : il avait reçu du Seigneur la promesse d’une descendance et après 25 ans d’attente, la promesse s’était accomplie avec la naissance d’Isaac. Mais Abraham va devoir encore avancer dans sa relation à Dieu, pour passer de l’accueil de ce que Dieu a donné jusqu’à l’accueil de Dieu qui a donné.
Abraham se serait arrêté à une vision trop étroite de son existence et de sa destinée s’il s’était contenté de se réjouir de l’enfant de la promesse, sans mettre tout son cœur en Celui qui avait accompli la promesse.
Ainsi, pour accueillir le Dieu qui donne et pour entrer dans son grand mouvement de vie, il faut parfois abandonner ce que Lui-même nous a donné. Cette expérience, tous les parents la font quand leurs enfants grandissent et quittent le foyer familial. Mais par la foi, c’est tout ce que nous possédons qui est appelé à être abandonné, pour déplacer nos cœurs de ce que Dieu a donné jusqu’à Dieu lui-même.
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La vraie fécondité de nos vies repose ainsi sur l’acceptation de tout remettre au Seigneur, pas seulement quand ça correspond à nos projets bien établis. Abraham obéit à Dieu sans rien comprendre à ce qui lui arrive, tandis que Pierre, à la transfiguration, propose de dresser trois tentes car « il ne savait que dire ». Dans l’obscurité de l’existence, qu’elle soit dans la nuit d’un projet de Dieu incompréhensible à vue humaine, ou dans la lumière trop éclatante d’un mystère divin qui est donné à voir, nous sommes appelés à accepter de suivre une voix qui vient de plus haut que nous.
Ainsi, devant un mystère éblouissant ou dans l’obscurité de la foi, c’est sur la Parole de Dieu qu’il faut nous appuyer. Abraham, désorienté, continue cependant à écouter la Parole du Seigneur et à y répondre : « me voici ». Tandis que les trois témoins de la transfiguration, tout aussi désorientés par l’événement glorieux qui s’offre à leurs yeux, entendent ces mots : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».
Au cœur des troubles de l’existence, la Parole du Seigneur est notre seul véritable appui. Elle doit être notre nourriture pour la route, notre boussole quand nous sommes égarés, notre lumière lorsqu’il fait sombre. Dans sa 2e lettre - juste après avoir rapporté l’événement de la transfiguration en disant : « cette voix venant du ciel, nous l'avons entendue nous-mêmes quand nous étions avec lui sur la montagne sainte » (2 Pi 1,17) – saint Pierre ajoute : « Vous avez raison de fixer votre attention sur [la Parole de Dieu], comme sur une lampe brillant dans l'obscurité » (2 Pi 1,19). Témoin de la lumière resplendissant dans le corps de Jésus comme une annonce de sa résurrection, saint Pierre est alors en mesure d’encourager les chrétiens, au cœur des ténèbres les plus épaisses de leur existence, à fixer leur attention sur la Parole de Dieu.
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Votre présence au sanctuaire du Laus, en ce temps du Carême, est donc une opportunité particulière pour redécouvrir tout ce que le Christ nous donne en sa passion ; c’est ce que Benoîte aura la grâce de percevoir lors des apparitions du Crucifié à la croix d’Avançon : « je veux vous montrer l’amour que j’ai eu pour les pécheurs », lui dit le Christ. La servante du Laus entrera alors plus avant dans le mystère d’expiation et de salut, comme nous sommes appelés à y entrer aussi davantage au cours de ce Carême. Au Laus, nous pouvons aussi, par la grâce, passer comme Abraham du don de Dieu à Dieu qui donne. En ce sanctuaire, nous pouvons encore nous décider à faire davantage de la Parole de Dieu la lumière sur notre route, répondant alors à la voix du Père : « celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » Amen.