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Sunday 3 November - 31ème dimanche du temps ordinaire
Descends vite !
Par le père Ludovic Frère, recteurBeaucoup d’entre nous connaissent déjà très bien cet évangile. Pour ma part, il me remémore mon catéchisme de primaire. Je me souviens que les catéchistes aimaient à nous le faire mimer. Et ça me plaisait bien ! On nous faisait grimper sur une chaise et quelqu’un nous lançait : « Zachée, descends vite». Petit enfant, je m’identifiais sans doute aisément à ce petit Zachée. Je me laissais donc volontiers interpeller par cette invitation à descendre pour accueillir Jésus chez moi. Qui sait, ça a peut-être même orienté ma vocation sacerdotale ?
Mais je n’avais certainement pas perçu à l’époque la portée de la demande du Christ : « Descends vite » ! Je vous encourage à savoir entendre cet impératif, d’autant qu’il est encore suivi d’un impérieux « il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». Il le faut ! C’est de l’ordre de la nécessité, non de la convenance. De l’ordre de l’impératif vital, non de la règle morale. Il faut que le Christ vienne chez nous, sans quoi nous « existons » mais nous manquons de « vivre » !
Alors, « Descends vite » ! Cet appel, n’est pas seulement lancé à ce petit homme grimpé sur un arbre. C’est à chacun d’entre nous que Jésus dit aujourd’hui : « Descends vite ! » Comment entendez-vous cette demande du Christ ? De quoi devez-vous donc descendre sans tarder ? Je vous invite à avoir la simplicité de vous poser la question. Pour cela, prenons, s’il vous plaît, quelques instants, pour laisser cette parole résonner ainsi en nous : « Descends vite ! »
(Silence)
Je vous propose maintenant quelques pistes pour approfondir encore le sens de cet appel.
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« Descends vite », c’est peut-être pour certains d’entre nous : « Descends vite de ton piédestal ! » En voulant que tout tourne autour de soi, en ayant un souci disproportionné de son apparence, de son confort, de sa réputation, on peut se placer au-dessus des autres, sur le sycomore de l’orgueil. « Descends vite, dit alors le Christ : car tu es là dans une position très dangereuse ! » Il est tellement nécessaire d’entendre Jésus nous supplier de descendre de nos postures orgueilleuses, sans quoi la dégringolade finale pourrait bien nous être fatidique ! Alors, « descends » et descends « vite » !
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« Descends vite ! », c’est peut-être aussi : « Descends de tes grands chevaux, toi qui t’énerves si facilement pour rien ! » Certains parmi nous se sont peut-être déjà fâchés depuis le début de cette matinée, pour des broutilles sans doute ; en tous cas, ça n’était certainement pas nécessaire. Ah, quels pièges, ces emportements ! Ils portent bien leur nom, eux qui nous emportent là où nous n’aurions jamais dû aller ! Vous êtes alors sans doute montés au Laus ce dimanche pour descendre de vos emportements. Ici, la Vierge Marie, les anges et saint Joseph, tous ont dit à Benoîte que les fâcheries lui faisaient perdre en un instant tout le fruit de ce qu’elle faisait. Alors, si besoin : descendez vite de vos grands chevaux ! Arrêtez de vous emporter ; laissez plutôt le Christ vous emporter vers Lui !
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Ce « descends vite », c’est peut-être encore un appel à être davantage en vérité devant les autres : « Descends vite de scène, toi qui joue un personnage ! » Comme dans une pièce de théâtre, on peut passer sa vie sur la scène des mondanités : on joue alors un rôle plus qu’on ne vit sa vie. Passer du personnage à la personne, c’est justement une grâce puissante qu’offre le sanctuaire du Laus. Il suffit juste d’accepter de descendre de scène, de quitter les masques des apparences et le souci du regard des autres pour être enfin en vérité devant Dieu. Allez, « descends vite » de scène !
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« Descends vite », c’est peut-être aussi pour certains d’entre nous : « descends des fantasmagories de ton imagination qui te font planer dans de fausses élévations ». Être chrétien, c’est accepter la réalité telle qu’elle est, afin de la vivre avec le Seigneur. Nous sommes dans un sanctuaire où, en 54 années d’apparitions, Benoîte n’a jamais plané au-dessus de la réalité. Alors, si vous vous nourrissez d’une spiritualité qui n’a plus les pieds sur terre, si vous parlez de Providence non comme une confiance incarnée mais comme un prétexte pour ne pas assumer vos responsabilités, descendez vite ! Le Seigneur qui a pris chair nous attend sur terre pour nous emmener au Ciel. « Descends vite » !
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« Descends vite », c’est peut-être encore : « Descends en toi-même ». Nous savons le risque de vivre à la superficialité de notre être. Nous disposons aujourd’hui de quantité de moyens, divertissements et communications qui peuvent empêcher la descente dans nos profondeurs et le soin à apporter à notre intériorité. Nous restons alors en périphérie de ce que nous sommes et nous manquons la sublime rencontre avec le Seigneur, Lui qui vient nous visiter au plus intime de nous-mêmes.
Alors, « descends vite » en toi, même si cette descente prend du temps, des années, une vie entière. Mais prends sans tarder le chemin de la descente en toi-même ! Descends dans les profondeurs de ton âme, même si tout n’y est pas bien beau. Justement, c’est en descendant là que tu discerneras tes complicités avec le Mal et que tu pourras laisser le Seigneur t’en libérer dans le sacrement du pardon. Ne tarde plus : « descends vite ».
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Cet appel à descendre est peut-être aussi un rappel de notre baptême. « Descends vite » dans la réalité de ce que tu es devenu au jour de ton baptême. Oui, en ce jour béni, nous avons été « descendus » dans la cuve baptismale ; nous en sommes ressortis relevés, ressuscités ! Descendez donc toujours plus dans cette réalité de la vie surnaturelle que vous avez reçue au baptême et qui vous a identifiés au Christ !
Par conséquent, « descends vite », c’est aussi : « descends te mettre au service des autres ». Le Christ auquel nous avons été consacrés par le baptême est « descendu » jusqu’aux pieds de ses disciples pour les laver. Nous devons nous aussi renoncer à être servis, pour vouloir sans cesse servir avec le Christ.
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Voilà donc quelques-unes des déclinaisons possibles de l’appel du Seigneur à descendre : descends vite de ton orgueil, descends de tes grands chevaux, descends de scène, descends de tes fantasmagories, descends en toi-même, descends dans la réalité surnaturelle qui t’habite, descends pour servir.
Quoi qu’il en soit de la descente qui vous est encore nécessaire, Jésus précise une chose : il faut faire « vite ». Dans la bouche du Christ qui n’était jamais pressé, cette insistance manifeste une grande urgence. Jésus ne sort pas son agenda pour fixer un rendez-vous avec Zachée dans quinze jours ou dans deux mois. Non, c’est maintenant qu’il l’appelle à descendre. Pas plus tard : maintenant ! Cette descente est tellement nécessaire qu’elle ne peut être différée. Votre présence au sanctuaire du Laus vise alors peut-être à décider de ne pas « redescendre » de ce lieu béni sans avoir d’abord discerné de quoi il vous faut « descendre » pour véritablement accueillir le Christ en vous.
Sans jamais oublier que Celui qui appelle à descendre, c’est Celui-là même qui était descendu. C’est bien ce qu’il révèle en fin de cet évangile : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Dieu est descendu dans ce qui était perdu, descendu jusque dans notre péché, descendu jusqu’aux enfers pour nous libérer éternellement.
Depuis-lors, la descente est devenue le style de vie des chrétiens. Car plus nous descendons, plus le Christ peut nous prendre dans son mouvement d’élévation. Amen.