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Sunday 17 July - 16e dimanche du temps ordinaire
"Des oreilles pour entendre ?"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire« Le règne de Dieu est tout proche de vous » (Marc 1,15).
C’est par ces paroles que Jésus inaugure son ministère public. Ce sont les mêmes paroles qu’il charge ses disciples d’annoncer : « dans toute ville où vous entrerez, dites aux habitants : ‘le règne de Dieu est tout proche de vous’ » (Luc 10,8-9). Ce Royaume, cependant, « n’est pas de ce monde » (Jean 18,36), comme le Christ le dira à Pilate, avant que des soldats ne se moquent de lui en le coiffant d’une couronne d’épines.
Décidément, ce Royaume de Dieu est bien déroutant. Et beaucoup de nos interrogations de foi touchent sans doute, elles aussi, à la réalité de cette royauté divine : car, si vraiment le Règne de Dieu est là et s’il est effectivement accompli par la mort et la résurrection du Christ, comment se fait-il qu’il reste tant de souffrances dans le monde ? Pourquoi ce règne n’a-t-il pas apporté la paix définitive ? En l’appelant « royaume des cieux », le Seigneur veut-il nous faire comprendre qu’il n’a rien à voir avec notre vie de la terre ?
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Le Christ nous exactement le contraire aujourd’hui : en présentant le royaume des cieux par des images de la terre, il nous montre que son règne n’est pas en dehors de notre réalité présente. Les paraboles qu’il choisit sont cependant loin de nos conceptions humaines de la royauté : une petite graine de moutarde, un champ à moissonner, un levain dans la pâte.
Ce royaume n’est décidément pas comme nous pouvions l’attendre, et pourtant il concerne la vie de la terre. Ce règne n’apporte visiblement pas maintenant une sécurité politique, une croissance économique ou une paix sociale, mais il est à l’œuvre, comme une semence, comme levain.
Le Seigneur Jésus nous présente ainsi trois paraboles, courtes et efficaces, pour nous faire entrer dans le mystère de ce royaume présent et en devenir, dont nous sommes les héritiers.
Première parabole : un champ où poussent du bon grain et de l’ivraie. C’est la plus longue des trois images choisies par le Christ, et c’est celle pour laquelle les disciples lui demandent une explication, signe qu’elle n’est pas la plus évidente. Et l’on comprend bien pourquoi : cette parabole nous révèle une réalité que nous n’acceptons pas si facilement, car il est question d’une moisson à la fin des temps… la réalité d’un jugement divin dont nous n’aimons sans doute pas beaucoup entendre parler, tant il peut remettre en cause certaines de nos manières de vivre aujourd’hui.
Mais voilà qu’à travers cette image très simple d’un champ où pousse du bon grain et de l’ivraie, le Christ répond en fait à notre interrogation sur la persistance du mal dans un monde qu’il a pourtant définitivement sauvé par sa mort et sa résurrection.
Il y répond en nous révélant la grande patience divine : du mauvais se mêle au bon ? Ne risquons pas de perdre le bon en voulant nous débarrasser du mauvais. Et voilà la miséricorde de Dieu à l’œuvre pour laisser du temps et attendre qu’une croissance puisse tout de même se faire.
Viendra le temps de la moisson ; nous en sommes prévenus. Mais la question, pour nous, est de savoir ce que le Seigneur aura à moissonner en nous : du bon grain, de l’ivraie, un peu des deux ?
Le sanctuaire du Laus et son message de réconciliation nous interrogent en ce sens : est-ce que nous préparons cette moisson ? Est-ce que nous serons fiers de ce que nous allons pouvoir présenter au Seigneur quand, au terme de notre vie, il fera sa moisson en nous ?
Si, à cette question, nous percevons qu’il nous est difficile de répondre avec enthousiasme, c’est sans doute le signe qu’il ne faut pas tarder : « convertissez-vous, dit le Christ, car le Royaume de Dieu est tout proche » (Mt 3,2). Convertissez-vous !
Et voilà Marie qui confie à Benoîte : « J’ai demandé le Laus à mon divin Fils pour la conversion des pécheurs, et il me l’a accordé ». Le Laus est donc un lieu privilégié pour préparer la moisson, non pas dans la crainte et le tremblement, mais dans la paix et la joie de laisser le Seigneur, par le sacrement du Pardon, retirer dès maintenant la mauvaise herbe qui nous empêche de porter du fruit.
Le Laus est un lieu privilégié aussi pour déjouer les pièges du Mauvais qui veut semer l’ivraie dans nos vies. Nous le connaissons, nous savons comment il agit ; ne le laissons pas faire, ne tombons pas dans ses pièges grossiers !
Convertissons-nous, dans la paix et la joie de faire de nos vies des œuvres belles, des moissons abondantes faites de grains savoureux que nous serons heureux de présenter au Seigneur. Préparons la moisson, convertissons-nous maintenant !
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Le Royaume de Dieu est un royaume à accueillir aujourd’hui pour une moisson qui viendra plus tard. Mais à cette révélation, la deuxième parabole apporte encore un éclairage en nous révélant que le temps d’attente, le temps d’accueil du royaume, est un temps de croissance.
Voyez cette petite graine de moutarde : elle grandit, ses branches se développent en tous sens. C’est le Royaume de Dieu qui ne cesse de s’étendre à travers l’histoire et le monde. Alors que nous avons souvent les yeux braqués sur des chiffres qui nous parlent de chute des vocations, de baisse des demandes sacramentelles et de désertion de nos églises, le Christ nous appelle à poser un acte de foi : celui de croire que le Royaume est en croissance permanente, jusqu’au jour de son achèvement, quand Dieu sera tout en tous.
C’est un acte de foi, non pas un aveuglement devant la réalité des chiffres. C’est un acte de foi en l’Esprit-Saint plus fort que les statistiques, plus agissant que ce que l’apparence peut laisser croire.
Nous avons à être des porteurs de cette espérance que le royaume de Dieu s’étend et s’étendra encore. Alors que nous pourrions nous résigner à un constat d’impuissance devant les statistiques pessimistes, nous pouvons cependant tous faire quelque chose : nous pouvons tous agir, dans nos vies, pour que le Règne de Dieu, le règne de l’amour, soit davantage présent dans le monde, même si, en apparence, il ne semble pas être en croissance.
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Et voilà la troisième parabole, celle du levain enfoui dans la pâte. Le Royaume des cieux n’est pas visible ; levain dans la pâte, il permet qu’elle s’élève non pas en tirant dessus mais en la soulevant de l’intérieur. Ainsi le Seigneur pour chacun de nous : il nous soulève de l’intérieur.
Et votre présence au sanctuaire du Laus peut vous aider, aujourd’hui et dans les jours prochains, à prendre davantage conscience que la présence du Seigneur est comme un levain, qui nous soulève de l’intérieur pour nous relever si nous sommes tombés, et pour nous élever plus haut, plus près de Lui.
Invisible, mais indispensable à la levée : tel est le royaume de Dieu pour chacune de nos existences et pour la vie du monde. Ne courons donc pas après des manifestations extérieures et clinquantes de son agir ; le Seigneur Lui-même l’a voulu levain dans la pâte, champ où se mêle bonne et mauvaise herbe, et petite graine dont le développement n’est pas achevé mais va assurément nous étonner.
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« Celui qui a des oreilles, qu’il entende », dit le Christ pour terminer ces paraboles. Etonnant appel que celui-ci ; comme si nous pouvions avoir la folie de posséder des oreilles sans les utiliser pour entendre !
Mais c’est pourtant souvent cela : le Seigneur nous prévient de la moisson qui viendra, et nous nous préférons nous laisser séduire par les richesses, les orgueils, les médisances, plutôt que préparer cette moisson.
Le Seigneur nous annonce un Royaume aux larges branches, où les oiseaux du ciel viendront faire leur nid ; et nous, nous vivons parfois recroquevillés, frileux, parcimonieux, à donner et à nous ouvrir aux autres.
Le Seigneur nous présente un Royaume qui fait lever la pâte humaine, invisiblement, de l’intérieur, et nous nous nous complaisons dans des manifestations visibles de puissance et de gloire.
Que tous ceux qui ont des oreilles entendent. Amen.