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Sunday 5 January - Solennité de l'Epiphanie du Seigneur
Debout et à genoux
Par le père Ludovic Frère, recteur« Debout, Jérusalem, resplendis ! »
Ce sont les premiers mots de la liturgie de la Parole, en ce jour de l’Épiphanie. Un appel au mouvement, à l’instar des mages qui ont quitté leur pays. Ils ont vu un astre se lever, et comme cet astre, eux-mêmes se sont levés. Ils ont marché jusqu’à la ville qui avait reçu jadis ce grand appel : « debout, Jérusalem, resplendis ! » Par leur entrée dans la ville, c’est comme s’ils voulaient la réveiller : « debout, Jérusalem ! »
Mais Jérusalem ne se lève pas. Jérusalem ne bouge pas. L’évangéliste dit bien que la ville est « bouleversée », mais d’un bouleversement qui la paralyse. Le cœur des chefs et des habitants n’est pas disponible à l’appel d’Isaïe.
Cet appel avait pourtant été précédé d’un autre : « Dites aux gens qui s’affolent : "Soyez forts, ne craignez pas. Car voici votre Dieu" » (Is 35,3-4). Mais Jérusalem s’affole au lieu de se lever : elle s’enferme dans la peur au lieu de se mettre debout.
Dans la figure des habitants de Jérusalem et des mages, nous trouvons donc les deux comportements possibles dans la foi : s’affoler ou se réjouir. Ils se déclinent en quantité de questions, par exemple : L’attente du jugement divin vous fait-elle resplendir ou vous fait-elle peur ? La perspective de votre mort vous met-elle debout ou vous paralyse-t-elle ? Est-ce que l’appel à porter votre croix avec le Christ vous motive ou vous fait craindre le pire ?
Je vous invite à vous demander sincèrement si votre foi vous réjouit ou vous inquiète. Pour faire la vérité sur votre relation à Dieu, sur votre accueil de ses promesses. Pour raviver aussi l’appel à resplendir, même quand les promesses divines ne se vérifient pas encore. Oui, ce dimanche nous interroge : votre foi vous met-elle debout ou fait-elle de vous quelqu’un d’inquiet ?
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Quand vous avez identifié ce comportement fondamental qui est le vôtre dans la foi, regardez comment les mages agissent, et désirez les suivre à travers le désert et jusqu’à Bethléem. Dans un double mouvement, ils se mettent debout puis ils se prosternent. Je vous propose de méditer chacune de ces deux attitudes, pour voir comment elles se concrétisent dans votre vie de foi.
D’abord, les mages se sont mis debout. C’est une position qu’on nous apprend à tenir dès l’enfance : encore bien hésitante au début, elle permet au petit enfant de faire ses premiers pas. Plus tard, surtout à l’adolescence, les parents doivent souvent rappeler leurs enfants à cette posture, pour qu’ils se lèvent de leur lit ou de leurs écrans.
Mais tous ces appels à se lever, qui font la dignité et la force de l’être humain, trouvent leur source et leur sens dans une autre levée : celle du Christ sortant vivant du tombeau. Debout, il écrase les puissances du Mal, il marche sur la mort et il rejoint ses disciples pour les consoler : « Regardez, je suis debout, vivant ! » Et ainsi, le Ressuscité nous remet tous debout !
Nous tenir debout, physiquement ou intérieurement, n’est donc pas pour nous tributaire des événements de la vie. Si vous pensez que le poids de vos souffrances pèse trop lourd pour que Jésus puisse vous maintenir debout, reprenez les paroles de saint Paul, dans la deuxième lettre aux Corinthiens. L’apôtre ne nie pas les difficultés de la vie, mais il ose dire : « En toute circonstance, nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés ; nous sommes déconcertés, mais non désemparés » (2 Co 4, 8-10).
Voilà comment, chrétiens, nous restons debout, avec cette vigilance à ne pas laisser le démon nous convaincre que c’est trop lourd pour nous. Jamais « angoissés » ni « désemparés », nous restons debout ! Oui, nous sommes parfois dans la détresse et déconcertés… mais jamais abandonnés ni anéantis !
C’est là notre force ! Une force reçue d’En-Haut, une force qui donna courage aux mages pour traverser le désert, et qui nous donne aujourd’hui courage pour porter les douleurs de la vie : DEBOUT !
Debout, le chrétien l’est aussi droit dans la vérité, droit dans son engagement en faveur du bien. Debout face aux injustices, aux violences faites aux femmes, aux abus sur mineurs, aux lois bioéthiques inacceptables et aux pauvretés qui ne sont jamais une fatalité. Le chrétien est toujours DEBOUT !
Au cours de la messe, à plusieurs reprises, nous nous mettons justement debout. C’est la position des ressuscités. Nous y confessons l’espérance de la victoire du Christ, dans l’attente de ce que nous vivrons au Ciel, selon la vision de saint Jean dans l’Apocalypse : « Une foule immense de toutes nations, races, peuples et langues, se tenait debout devant le trône et devant l’Agneau » (Ap 7,9).
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Mais revenons à Bethléem. Les mages qui s’étaient mis debout, voilà maintenant qu’ils se mettent à genoux. C’était bien leur projet, confié à Hérode : « Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui ». Le mot grec employé ici dit une prosternation jusqu’au sol pour adorer. C’est pourquoi on dit qu’on n’adore que Dieu, car devant personne d’autre on ne peut se prosterner jusqu’au sol. L’évangile de saint Matthieu se terminera sur ce même verbe : les disciples se « prosternent » devant le Christ Ressuscité, devant le Seigneur de la Vie !Et le livre de l’Apocalypse, qui parlait à l’instant de la position debout de la foule immense des sauvés, confesse en même temps que les vivants « se jettent devant Celui qui siège sur le Trône, ils se prosternent face à celui qui vit pour les siècles des siècles » (Ap 4,10-11). Les mages sont les précurseurs des sauvés venant de toutes les nations ; ils n’ont donc pas d’autre but que se mettre à genoux devant le Sauveur.
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Voici donc ces deux positions des chrétiens authentiques : debout et à genoux. Non pas l’un ou l’autre, mais l’un par l’autre. Pour convertir sans cesse notre peur de Dieu en confiance absolue en son amour, nous devons être des chrétiens « debout-à-genoux » : plus nous sommes à genoux devant le Seigneur, plus nous sommes debout dans la vie. Et plus nous sommes debout dans la vie, plus nous rendons hommage au Sauveur devant lequel tout genou fléchit.
De ces deux positions, à genoux ou debout, laquelle a besoin d’être davantage présente dans votre vie d’aujourd’hui ? N’ayez pas peur de vous mettre à genoux devant l’immensité de Dieu. N’ayez pas peur de vous tenir debout devant Lui, car il vous a relevés et il vous relève sans cesse.
« Debout, Jérusalem, resplendis ! » Mets-toi debout pour resplendir à genoux ! Mets-toi à genoux pour resplendir debout. Amen.
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