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Sunday 26 June - Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ
"Contemplation, adoration"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Il n’est a priori pas si facile de faire un lien entre les différents événements qui égayent aujourd’hui notre sanctuaire : le pèlerinage des motards, la session de chant grégorien et le pèlerinage des servants de Privas. Pourtant, à bien y regarder, un point commun unit ces différents groupes, un point commun qui fonde notre regard sur le mystère que nous fêtons aujourd’hui, le mystère de l’Eucharistie : c’est la contemplation.
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En parcourant les paysages fabuleux de nos régions, les motards peuvent s’ouvrir à la contemplation. Si la vitesse – à consommer avec modération – est sans doute grisante en moto particulièrement, c’est surtout l’impression de liberté qui domine, la liberté d’être en contact plus direct qu’en voiture avec la nature et les paysage.
Un motard est donc toujours un peu un contemplatif, et il est sans doute opportun pour un motard chrétien de rester ouvert à l’action de grâce pour les merveilles qui se déploient sous ses yeux dans la nature.
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La contemplation, c’est aussi ce qu’offre le chant grégorien. Ce n’est pas un chant de tapage, qui fait du bruit pour impressionner. Ce n’est pas non plus un chant qui joue sur la beauté de la polyphonie, puissante et gracieuse. C’est un chant de simplicité, même s’il est souvent bien difficile d’être simple, dans la vie comme en musique. Le grégorien, c’est un chant épuré, qui soutient les mots de la belle langue latine pour nous conduire à un dépouillement nécessaire à la véritable contemplation.
Pour chanter du grégorien, il faut donc sûrement d’abord savoir contempler ; il faut avoir prié, et c’est pourquoi il est particulièrement le chant des moines et des moniales, comme l’expression musicale de leur orientation de vie.
Offert aujourd’hui à notre contemplation, le chant grégorien auquel tous ne sont pas habitués, oblige à une forme d’humilité pour pouvoir le chanter mais aussi pour être capable de l’écouter. C’est pourquoi il est œuvre de contemplation, car on ne peut contempler sans humilité.
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La contemplation, c’est encore le fondement du service de la messe, pour tous les enfants de chœur. Vous savez, vous les servants de Privas, que pour bien servir la messe, il faut d’abord s’être mis à disposition du Seigneur, pour qu’il se serve de nous afin d’aider l’assemblée à prier.
Un servant de messe se trompera complètement dans sa mission s’il veut se mettre lui-même en avant, s’il veut « faire » des choses et assurer le plus de services possibles à la messe. Or, de mon expérience en paroisse, on voit parfois les servants s’écharper avant la messe pour savoir qui fera les services les plus importants.
Alors, pour bien servir la messe, il faut aussi, comme pour les motards et comme pour les chanteurs de grégorien, avoir un cœur humblement ouvert à la contemplation. Car c’est seulement en contemplant Jésus serviteur que l’on est capable d’avoir un cœur de serviteurs.
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Servants, motards, chanteurs, et nous tous, nous sommes faits pour contempler. Nous passons beaucoup de temps à faire des choses, mais nous ne devons pas oublier de nous arrêter pour contempler.
Le mystère de l’Eucharistie que nous célébrons particulièrement ce dimanche est justement un mystère à contempler, autant qu’il est un mystère à consommer. « Prenez, mangez-en tous », dit le Christ : l’Eucharistie a été voulue par le Seigneur pour que nous communions, que nous mangions sa Présence. Mais pour bien saisir que c’est vraiment Lui que nous recevons, il nous faut contempler ce mystère ; c’est ce que l’on appelle l’Adoration du Saint-Sacrement. Cette prière - heureusement redécouverte par beaucoup ces dernières années - est essentielle pour que notre cœur repose sur le cœur du Christ.
Quand nous contemplons l’hostie consacrée, présentée telle un soleil dans un ostensoir doré, nous voyons de nos yeux ce qui dépasse notre entendement : Dieu nous aime tellement qu’il se fait nourriture. Il est si humble qu’il vient reposer dans nos mains. Il est si peu soucieux de sa propre personne qu’il accepte de se faire balader dans une custode pour aller rejoindre une personne malade.
L’Adoration du Saint-Sacrement est la clé pour que nous sachions être des disciples de contemplation. Et ici, au sanctuaire du Laus, nous avons un beau moyen pour nous y aider, c’est la prière appelée : « l’amende honorable au Saint-Sacrement », une prière que la Vierge Marie avait apprise à Benoîte, qui l’avait retenue par cœur.
Parmi les paroles, toutes aussi fortes les unes que les autres, que nous offre cette prière, nous entendons ceci : Seigneur, « nos yeux aveuglés par ta Sainteté, se fixent humblement sur les voiles mystérieux qui te cachent à nos regards ».
Dans cette prière, nous avons tout le condensé de la présence eucharistique du Sauveur. D’abord, nos yeux sont aveuglés par la Sainteté de Dieu, il est trop grand, trop lumineux pour que nos yeux de pécheurs puissent Le voir dans tout son éclat. Mais le Seigneur ne nous a pas laissés dans cet aveuglement : « nos yeux se fixent humblement sur les voiles mystérieux qui te cachent à nos regards ». Nos yeux qui ne peuvent pas voir, voient cependant, mais ils voient comme derrière un voile.
L’Eucharistie nous montre ainsi réellement Jésus présent ; et quand nous communions, c’est vraiment Lui, le Christ ressuscité, qui vient reposer en nous. Mais l’Eucharistie, qui nous donne réellement le Christ, nous le montre sous le voile du pain et du vin consacrés, car c’est seulement au Ciel que nous le verrons face à face.
L’Eucharistie condense donc toute la réalité de notre vie présente : Dieu nous dépasse infiniment, mais il nous rejoint au plus intime. Il se donne réellement à nous, mais cette venue dans nos corps et nos âmes, tout en étant bien réelle, reste cependant voilée.
C’est ce que nous contemplons dans l’Adoration du Saint-Sacrement, comme l’expression la plus sublime de toutes nos autres contemplations de la présence du Seigneur. Un motard contemplant un paysage grandiose, un chanteur contemplant une pièce de grégorien, un servant contemplant la beauté d’une liturgie, tous sont appelés à vivre cette même expérience spirituelle qui trouve son expression la plus sublime dans l’Adoration du Saint-Sacrement : reconnaître que le Seigneur est bien là, mais que cette présence est encore voilée jusqu’à ce que tout soit dévoilée, dans la béatitude éternelle.
L’Adoration, la contemplation, sont donc destinées à nous faire désirer le Ciel, désirer la sainteté, afin de parvenir un jour à voir, pour un face à face d’éternité, Celui que nous percevons déjà maintenant de manière voilée. Désirer le Ciel, ce doit être notre plus grand désir, non pas comme une fuite des réalités quotidiennes, mais comme leur éclairage le plus lumineux, leur élévation la plus haute, leur espérance la plus forte. Nous voulons voir Dieu. Amen.