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Thursday 5 April - Homélie du Jeudi saint
Ceci est mon corps, ceci est mon sang
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
MONITION D’OUVERTURE
Chers frères et sœurs, bonsoir à tous !
Je suis particulièrement heureux de célébrer cette Messe de la Sainte Cène entouré de mes frères prêtres et diacres. Le Jeudi Saint, c’est la fête des prêtres, car c’est la commémoration de l’institution de l’Eucharistie ; le Jeudi Saint, c’est aussi la fête des diacres, car nous fêtons le service, quand Jésus s’agenouille devant ses disciples pour leur laver les pieds. Alors, bonne fête, chers amis prêtres et diacres !
Je vous invite d’ailleurs tous à avoir une pensée ce soir pour tous les prêtres et diacres qui se sont mis à votre service, tout au long de votre vie.
J’aimerais aussi que nous portions dans notre prière de cette messe toutes les personnes qui souffrent de ne pas pouvoir recevoir l’Eucharistie. D’abord tous les chrétiens à travers le monde – et de plus en plus en France – qui n’ont pas toujours la possibilité de participer à la messe. Particulièrement ceux qui, dans certains pays, risquent leur vie en cherchant à célébrer l’Eucharistie.
Que nos prières rejoignent et fortifient aussi ce soir tous ceux qui ne peuvent accéder à l’Eucharistie, en raison de leur situation de vie, comme les personnes divorcés-remariés. C’est bien sûr une blessure et un manque de ne pouvoir communier. Mais ici, les Manuscrits du Laus nous révèlent au sujet du Christ présent dans l’Eucharistie : « Ceux qui ne reçoivent pas son corps réellement le peuvent spirituellement, pour participer au sacrifice de la messe comme le faisaient les pères du désert ».
Oui, la communion de désir porte aussi de grands fruits ; et elle en portera d’autant plus, si c’est tout le peuple de Dieu porte vraiment cette faim de vivre uni à son Sauveur. C’est pourquoi nous nous préparons à célébrer cette sainte Messe en renouvelant notre désir de l’Eucharistie et en rejetant tout ce qui va à l’encontre d’un tel désir et d’une telle union.
HOMELIE
C’était quelques temps avant ce dernier repas. On aurait dit que le Seigneur avait voulu préparer ses disciples aux paroles surprenantes de ce soir : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ».
Sur les bords du lac de Tibériade, beaucoup étaient venus rencontrer ce Jésus, dont on racontait les miracles et la puissance des paroles. Et lui, il avait accueilli cette foule, il avait perçu combien elle avait sa soif et faim de vérité, de sens, d’amour, de bonheur. Il s’était alors mis à parler en ces termes : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim »
Voilà bien d’étranges paroles, mais qu’on peut chercher à atténuer : Oui, ce Jésus, il est bon comme du bon pain et ce qu’il dit est nourrissant. Alors, pour ne laisser aucun doute sur le fait qu’il ne parlait pas de manière imagée, le Christ avait poursuivi en disant : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »
Paroles inouïes, inadmissibles pour beaucoup ! Des paroles de folies pour ceux qui ne recherchent que la sagesse du monde : manger la chair d’un homme pour avoir la vie ! Jésus n’est-il pas devenu fou ? ont dû se demander un grand nombre de ceux qui l’écoutaient. On peut même imaginer la tête de Pierre, de Jacques, d’André, de Jean, échangeant des regards pour s’interroger mutuellement : qu’est-ce que le Maître est en train de nous dire ?
Alors, Jésus rajoute encore : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous » (Jean 6, 53).
C’en est trop ! Ses paroles scandalisent ; certains, nous dit l’Evangile de Jean, repartent déçus d’avoir mis leur espoir en un homme prétendant qu’il fallait le manger pour vivre éternellement !
Même parmi ses disciples, c’est la consternation, et l’Evangile constate un fait rare dans l’histoire de Jésus, un fait qui ne se retrouvera qu’au vendredi saint, quand ses amis s’enfuiront loin de la croix : « A partir de ce moment-là, beaucoup de ses disciples cessèrent de marcher à sa suite » (Jean 6,66).
Et cette histoire s’est répétée bien des fois depuis. Peut-être même avons-nous été témoin de telles interrogations, indignations ou railleries devant le mystère de l’Eucharistie. Croire que le Dieu tout-puissant se donne réellement dans ce qui n’a que l’apparence d’un petit bout de pain et de quelques gouttes de vin : beaucoup préfèrent se détourner d’un tel mystère.
En nous-mêmes aussi, troubles et interrogations sur l’Eucharistie ont pu nous traverser, et nous traversent peut-être encore : car cette Présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, à chaque fois qu’on croit vraiment la comprendre, son mystère nous échappe à nouveau, comme s’il fallait sans cesse être des chercheurs, des mendiants du Christ pour le recevoir en vérité dans la Communion.
* * *
Après le flagrant échec de sa prédication sur son Corps et son Sang, le Christ se tourne vers ses Apôtres, probablement avec une certaine inquiétude ; il leur demande alors : « voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon Pierre répond, au nom des Douze : « vers qui pourrions-nous aller, Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! »
Pierre ne dit pas : « oui, c’est évident, j’ai tout compris du mystère de ton Corps et de ton Sang comme nourriture d’éternité ». Il est certainement aussi déconcerté que les autres, mais il reste ferme dans sa foi : « Tu as les Paroles de la vie éternelle » ; ce que tu promets est vie éternelle, même si je n’en comprends pas tout le sens, même si mon intelligence ne parvient pas à en faire le tour : « Tu as les Paroles de la vie éternelle » !
C’est certainement ce même acte de foi que les Douze ont dû poser en ce soir du Jeudi Saint, quand le Christ a pris du pain, puis du vin, pour leur révéler : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang ». Comment ont-ils vécu, ces Douze, leur première Communion ? Certainement le cœur rempli d’interrogations sur ce qu’ils recevaient dans leur bouche, mais avec la conviction que ces paroles : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang » étaient bien des paroles de vie éternelle.
* * *
Cependant, pour que cette puissance de vie ne meure pas dans la bouche de ses disciples, Jésus pose au cours de ce dernier repas un deuxième acte totalement inattendu. Il se met à genoux devant ses amis et leur lave les pieds. Comme pour leur dire : cette puissance de vie, ma vie, à laquelle vous venez de communier, vous devez maintenant la transmettre. En communiant, vous devenez serviteurs de la vie de Dieu.
Benoît XVI disait que, « dans le mystère de l’Eucharistie, le pain et le vin deviennent Corps et Sang du Christ. Cependant, la transformation ne doit pas s'arrêter là ; Le Corps et le Sang du Christ nous sont donnés afin que, nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec Lui ». En lavant les pieds de ses disciples et en les invitant à faire de même à leur tour, notre Seigneur nous appelle à devenir son corps qui sert, son corps qui se met à genoux pour laver les pieds des autres.
Par l’Eucharistie, le Christ vient nous transformer encore et encore en lui. S’il se fait serviteur et nourriture, c’est pour que nous devenions serviteurs et nourriture. Alors, ce soir est un moment privilégié pour nous poser la question du don de nous-mêmes : est-ce que nous servons vraiment les autres ? Est-ce que nous sommes pour eux une bonne nourriture, ou sommes-nous un peu trop coriaces, voire parfois immangeables ?
* * *
Ce soir, le Christ prend la place du serviteur, de l’esclave et il devient nourriture. Demain, il prendra la place des pécheurs, lui qui n’a jamais commis de péché. Samedi, il descendra aux enfers : pour les rejoindre et les relever, il prendra la place des morts.
Serviteur, nourriture, pécheur, mort : nous allons aller d’abaissement en abaissement ces prochains jours, jusqu’à la tombe. Mais ce sera pour renaître, pour nous laisser relever par le Christ. Amen.
Télécharger l'homélie du jeudi 5 avril 2012, Jeudi saint, année B (PDF)