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dimanche 19 mai - 5ème dimanche de Pâques - 1ères communions de Soline et de Maylïs
Bons à manger !
Par le Père Ludovic Frère, recteur
Bons à manger !
« Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » Voilà le grand commandement auquel Jésus presse ses disciples : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
Nous « commander » d’aimer, n’est-ce pas une drôle de demande ? Après tout, nous avons tous un cœur fait pour aimer ; nous avons tous besoin d’être aimés. D’une manière ou d’une autre, tout ce qui nous motive dans la vie, c’est ce désir irrépressible d’aimer et d’être aimés.
Mais justement, on peut se tromper sur la manière d’aimer ; on peut s’égarer sur la façon d’attendre l’amour des autres. Beaucoup de nos complicités avec le mal - sinon toutes – et beaucoup de nos blessures intérieures sans doute, tiennent à une déformation de l’amour : par peur de ne pas être aimés, par réticence à se donner vraiment, ou par un amour désordonné de soi-même. Nous sommes faits pour aimer, mais nous sommes des blessés d’amour. Alors, Jésus vient nous guérir : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
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Pour percevoir toute l’ampleur d’un tel commandement, mais aussi pour nous garder de penser que Jésus nous demande l’impossible, remarquez bien à quel moment le Seigneur présente ce commandement. Le début de cet évangile le précise : « Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples. » Pendant ce dernier repas, nous savons bien ce qui s’est passé : Jésus a offert son corps et son sang en nourriture de vie véritable, avant de prendre le chemin de la croix… c’est à ce moment-là qu’il a dit cette parole : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ».
« Comme je vous ai aimés »… il faut donc comprendre : « comme je vous montre mon amour en donnant ma vie pour vous, en vous offrant mon corps à manger et mon sang à boire : c’est ainsi que vous devez vous aimer les uns les autres » ! Oui, dans ce mystère-là, nous trouvons le sens du commandement de l’amour et la force d’aimer comme le Christ.
Avec au moins 3 grandes lumières qui peuvent tous nous éclairer.
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Première lumière, premier émerveillement : Il faut le dire avec autant de simplicité et de force que Jésus le révèle : quand nous communions, nous mangeons Jésus ! « Prenez et mangez, ceci est mon corps ! » Le Seigneur a voulu devenir réellement pour nous une nourriture. Ainsi, nous pouvons manger Celui qui est vrai Dieu et vrai homme ; manger Celui qui est la résurrection et la vie ; manger Celui qui est le chemin, la vérité et la vie !
Et puisque Dieu est amour, quand nous communions, nous mangeons l’amour divin : nous communions à l’amour qui unit le Père, le Fils et le Saint-Esprit de toute éternité.
C’est ce que vont faire Soline et Maylïs pour la première fois aujourd’hui, nous invitant à faire, nous aussi, de cette communion comme si nous découvrions pour la première fois que nous mangeons « la totalité de l’Amour ». Oui, Et ça, c’est la réalité la plus nécessaire pour un cœur humain, parce que nous sommes tous faits pour Dieu et pour aimer.
C’est la réalité la plus nécessaire. Voilà pourquoi Jésus avait révélé auparavant : « Mon corps est la vraie nourriture, mon sang est la vraie boisson » (Jn 6,52). Avec la bergère du Laus, nous pourrions donc redire souvent ce qu’elle exprima un jour après avoir communié : « J’ai maintenant tout ce qu’il me faut ». TOUT ce qu’il me faut !
Celui qui est l’Amour se laisse sacramentellement manger par nous, pour que notre force d’aimer ne soit plus dans nos seuls sentiments ; que nos désirs d’aimer ne s’enracinent pas dans nos blessures d’amour, mais dans la présence réelle de Dieu. Et cet ouvrage, il est sans cesse à reprendre, car la vie a souvent tendance à nous replier sur nous-mêmes. Il nous faut donc souvent, très souvent, venir communier à la source de l’amour ! C’est la première lumière de l’évangile de ce jour : venez manger l’amour véritable !
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La deuxième lumière, c’est un appel, une interpellation : faire sans cesse dans nos vies ce lien entre l’Eucharistie et le grand commandement de Jésus : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Ce lien invite à entendre : « Comme je me fais bonne nourriture par amour pour vous, soyez pour les autres de bonnes nourritures ! » Oui, Jésus nous demande d’entrer dans sa logique d’un amour bon à manger.
Je vous invite alors à vous poser la question : est-ce que je suis bon à manger ?... On peut être un chrétien assidu à la messe et fidèle à la morale tout en n’étant pas très comestible. On peut avoir avoir le mauvais goût des jalousies et des rivalités ; le mauvais goût de l’égocentrisme et des cœurs de pierre... Il nous arrive de ne pas être très digestes, d’être des viandes un peu dures ou du vin qui embrouille l’estomac. Malheureusement, nous ne sommes pas toujours bons comme du bon pain ; nous sommes même parfois peut-être imbuvables aux yeux des autres.
Et c’est là où l’Eucharistie est vraiment un grand miracle : elle n’est pas donnée à ceux qui sont parfaitement bons et buvables ; elle est donnée pour que nous devenions bons et buvables. C’est grâce à la présence réelle de Jésus ressuscité que nos pauvres corps, nos psychismes compliqués et nos esprits étriqués deviennent bons à manger !
Je vous encourage alors à vous laisser saisir par l’amour qui se donne en nourriture : en mangeant l’amour divin, nous ne le transformons pas en nous-mêmes ; c’est lui qui nous transforme. Et il nous devient possible d’aimer plus généreusement ! L’Eucharistie porte une puissance de transformation de nos cœurs ! Nous devenons alors délicieux comme du bon pain, savoureux comme du bon vin !
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De là, tirant les conséquences de la communion sacramentelle au Christ ressuscité, on trouve une 3e lumière : un pain aura bon être excellent, un vin aura beau être un grand millésime, s’ils ne se laissent pas manger et boire, ils ne servent à rien. Si le bon pain ne se laisse pas manger, il va durcir ; si le bon vin ne se laisse pas boire, il va tourner au vinaigre. Non seulement nous devons vouloir être bons comme du bon pain, mais nous devons aussi vouloir nous laisser manger par les autres.
Ah, ça n’est pas vraiment à la mode : on dit beaucoup de nos jours qu’il faut se préserver, il ne faut justement pas se laisser « bouffer » par les autres. Eh bien, pardon de croire que Jésus affirme le contraire : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». C’est-à-dire : « je me suis donné en nourriture pour vous, offrez-vous en bonne nourriture pour les autres. »
Ainsi, notre participation à la messe ne peut que se prolonger dans la vie quotidienne, en acceptant d’être mangés par les autres. Avec une condition bien-sûr, essentielle à entendre : il faut que la relation soit équilibrée, c’est-à-dire sans se laisser manipuler par des personnes perverses, car alors il ne faut surtout pas se laisser manger. Mais si la relation est équilibrée, le mouvement-même de l’Eucharistie nous appelle à devenir pour les autres une bonne nourriture.
Puisque le sanctuaire du Laus porte une grande grâce de vérité sur soi, je vous invite à accepter de faire ici la vérité sur vos profondeurs : est-ce que vous vous laissez manger, pour aimer comme le Christ ? Manger de votre temps quand vous ne l’aviez pas prévu, manger de votre portefeuille pour aider les plus pauvres… et bien d’autres circonstances ou au lieu de se préserver pour être tranquille, on est appelé à se donner en bonne nourriture pour les autres. Comme Jésus, en Jésus !
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Permettez alors que je termine par un conseil à Soline et à Maylïs - conseil que vous pourrez tous prendre pour vous, si vous le voulez bien. Ce conseil résume les 3 lumières que je viens de vous proposer : manger celui qui est l’Amour, être avec Lui bon comme du bon pain, et accepter de se donner en nourriture aux autres.
Forts de ces 3 lumières, je vous invite, Soline et Maylïs, à bien saisir que, dans quelques minutes, c’est vraiment le corps, l’âme et la divinité de Jésus ressuscité qui vont venir reposer en vous ; le sang de Jésus plus fort que la mort va venir circuler dans vos veines et se mêler à votre sang mortel. Jésus va venir habiter en vous avec toute sa puissance de vie et d’amour. Il va faire de vous sa demeure, sa maison.
Offrez-lui donc de se sentir bien chez vous. Mais surtout, ne le prenez pas en otage, ne l’enfermez pas en vous ! S’il vient reposer dans votre maison intérieure, c’est pour pouvoir en sortir, afin d’aimer à travers vous. Amen.
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