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Sunday 15 May - Dimanche des vocations sacerdotales - 4e dimanche de Pâques
"Berger des brebis"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Berger des brebis, porte de la bergerie, portier qui permet le passage : en trois images complémentaires, le Christ nous enseigne sa manière particulière et comblante d’être présent dans nos vies et de nous guider vers l’éternité. Il nous dit aussi le mystère de cette mission qu’il a voulu confier à son Eglise par Simon-Pierre, les Apôtres et leurs successeurs, et ainsi par les prêtres qui n’ont cessé depuis 2000 ans de rendre le Ressuscité présent, agissant et pardonnant.
Des Pasteurs, des bergers qui conduisent les brebis, qui soignent les plus faibles et encouragent les plus vigoureuses ; tels sont les prêtres que l’Eglise ne cesse d’offrir au monde, parce qu’il en a besoin.
Des commentateurs avisés l’ont noté : l’année sacerdotale 2009-2010 a aussi été une année d’épreuves pour les prêtres. Avec les scandales de pédophilie (légitimement dévoilés mais injustement rejetés sur tous les prêtres) et avec les attaques subies par notre Saint-Père, on a craint que cette année sacerdotale soit surtout une année pour que les prêtres portent la croix, comme le Christ, le Grand prêtre éternel.
Et il est vrai qu’il y a dans la vocation presbytérale ce mystère d’une union particulière au Christ jusque sur la croix, qui rend la vie du prêtre crucifiante, mais pas moins épanouissante… comme pour tout baptisé, en somme, mais d’une manière particulière pour le prêtre, parce que ses mains ont été consacrées pour bénir et que les puissances du mal n’aiment pas cela.
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Mais cette crucifiante année sacerdotale était à peine close que des foules se ruaient au cinéma pour voir le film « des hommes et des dieux », qui magnifie le don concret de sa vie pour les autres. Des foules aussi nombreuses s’enthousiasmaient pour des prêtres de notre diocèse, qui sortaient un disque et se présentaient sur des plateaux de télévision en portant dignement l’habit clérical, comme un signe utile - quoique non suffisant – qu’il y a de quoi être fier de répondre à cette sublime vocation.
On peut penser que ces nombreuses réactions positives au film sur les moines de Thibbérine et au disque des prêtres sont comme un témoignage du besoin de notre époque d’avoir sous les yeux des figures d’hommes qui ne sont bien sûr pas sans défauts, mais qui osent consacrer leur vie au Seigneur.
Des vies eucharistiques, dans le don de soi quitte à être mangé par les autres, et dans l’action de grâces pour toutes les merveilles que l’Esprit-Saint réalise à travers des hommes si peu dignes d’une telle mission et d’une telle grâce.
C’est bien sûr un grand honneur d’être pasteur à la suite du Christ, d’avoir la charge d’une partie de ses brebis et de se dépenser sans compter pour les guider vers la vie en abondance ; un grand honneur sans être pour autant honorifique, car la fécondité du Sacerdoce ministériel est grandement conditionnée par l’humilité de celui qui cherche à l’exercer, une humilité à réclamer sans cesse au Seigneur, tant elle est soumise à l’épreuve des réussites, de l’exposition publique et même du désir de bien faire.
Comme l’âne portant le Christ pour son entrée à Jérusalem se serait illusionné de croire que c’était à lui que revenaient les acclamations de la foule, de même le prêtre sait bien que les fruits de son ministère ne sont pas son œuvre, même s’il lui est demandé d’y mettre toute son énergie, toute sa foi et toutes ses compétences.
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Energie, foi, compétence : tous les aspects du don de soi si bellement manifesté par le prêtre au jour de son ordination. Un don de soi que le Christ révèle dans sa propre manière d’être le pasteur des brebis, pour inviter tous les pasteurs à faire de même. Il nous dit ainsi du berger qu’il « appelle chacune (de ses brebis) par son nom », puis « il les fait sortir », « il marche à leur tête », il les conduit vers « un pâturage ».
Si l’image des brebis ne nous est pas forcément des plus agréables à notre époque - puisqu’on ne veut surtout pas être pris pour des moutons qui suivent sans réflexion - acceptons humblement d’écouter ce que le Seigneur nous révèle par cette image bimillénaire.
D’abord, le Seigneur appelle ses brebis « chacune par son nom » : c’est dire qu’il nous connaît personnellement, et la sollicitude de vos prêtres devrait être un reflet évident de celle du Christ pour chacun. Si nous, prêtres, tentons sincèrement de le faire, pour parfois y parvenir, il faut bien reconnaître que les multiples sollicitations rendent de plus en plus difficile cette proximité à tous les fidèles.
Dans notre région, comme probablement dans toutes celles d’où vous venez, les prêtres ont à couvrir des territoires de plus en plus vastes ; il n’est donc pas toujours évident de trouver le temps nécessaire pour témoigner à chacun de cette sollicitude du Seigneur, même sur un sanctuaire.
Mais on peut aussi renverser la question, car il est toujours tentant d’être observateur en se gardant de prendre sa part de responsabilité : que faites-vous, sur vos paroisses, pour que vos prêtres puissent appeler chacun par son nom ? Quelle aide leur apportez-vous ? Quel soutien matériel ou de prière ? De quoi pouvez-vous les décharger pour qu’ils ne manquent pas cette mission première d’être les ambassadeurs du Christ, qui appelle chacun par son nom ?
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Deuxième mission du Pasteur envers ses brebis : « il les fait sortir », nous dit le Christ. Les prêtres ont donc la responsabilité de « faire sortir » leurs frères et sœurs. Les faire sortir de leurs peurs, de leurs refus de pardonner, de leurs égoïsmes et de leurs préjugés. Les faire sortir, également, de certaines habitudes…et ce n’est pas toujours le plus facile !
Mais les « faire sortir », c’est aussi certainement les conduire en-dehors de l’Eglise : c’est là que se déploie la vocation baptismale. Une fois les forces reçues dans les Sacrements, les fidèles que vous êtes doivent sortir de l’église et aller donner le Christ à l’extérieur.
Si un prêtre ne parvient pas à conduire ses fidèles jusque-là, il ne répond pas pleinement à sa mission. Car son objectif n’est pas de remplir les églises ni d’en faire des monastères ; l’objectif, c’est de nourrir les brebis pour qu’elles sortent.
Alors, si l’on a légitiment insisté ces dernières décennies sur la collaboration entre prêtres et laïcs, il importe que chacun approfondisse toujours plus sa vocation spécifique ; celle des prêtres est de nourrir les fidèles pour qu’ils sortent ; celle des baptisés est de se nourrir pour ensuite aller dehors et convertir toujours plus les structures de la société, les vies familiales et toutes les réalités humaines à l’amour véritable.
La troisième mission du Pasteur envers ses brebis consiste à « marcher à leur tête ». C’est le Christ et Lui seul qui nous guide. Mais il choisit de le faire par la médiation de l’Eglise, et en chaque lieu, de nos prêtres. Difficile mission pour le prêtre de marcher à la tête d’une communauté tout en prenant soin à ce qu’on ne marche pas derrière lui !
Car notre Eglise doit se prémunir de gourous focalisant sur leur personne ; elle a, en revanche, besoin de prêtres solides, qui nous conduisent au Christ. C’est là aussi votre responsabilité de ne jamais considérer l’un de vos prêtres - aussi charismatique soit-il - comme votre idole ; ce n’est vraiment pas lui rendre service et c’est manquer le but, qui est le Christ.
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Puis, la dernière mission dont nous parle le Seigneur dans l’Evangile d’aujourd’hui, c’est celle de conduire vers des pâturages ; car, précise-t-il, il est venu pour que nous ayons « la vie en abondance ».
C’est sans doute la plus grande réjouissance du prêtre que de voir ceux dont il a la charge parvenir aux pâturages de la Parole de Dieu et des sacrements pour s’en nourrir abondamment ; une réjouissance aussi de voir tant de fidèles chercher à répondre à la vocation à la sainteté, même s’ils doivent payer cher leur renoncement à une vie opulente, tranquille ou divertissante.
Alors, acceptez que vos prêtres visent haut : ils portent le trésor de l’Evangile dans des vases fragiles. Ne jugez pas le message d’après le messager, mais aidez le messager à vivre le message.
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Frères et sœurs, nous savons tous qu’en de nombreuses régions de France, le manque de prêtres se fait de plus en plus sentir. Ce manque illustre à quel point l’Eglise a besoin de prêtres ; mais ce dimanche nous rappelle aussi que vos prêtres ont besoin de vous.
Vous êtes bien sûr en droit d’attendre de leur part les attitudes qui conviennent et les compétences nécessaires à l’exercice de leur ministère ; beaucoup n’hésitent d’ailleurs pas à nous le rappeler, sans toujours une grande délicatesse.
Mais ce droit s’accompagne d’un devoir : celui de veiller sur vos prêtres. Ils ne sont pas d’impersonnels distributeurs de grâces ; ils ont un cœur, des combats et des besoins auxquels vous avez le devoir d’être attentifs.
Confions donc aujourd’hui tous nos prêtres au Seigneur : ceux qui nous ont baptisés, catéchisés, mariés, accompagné dans un deuil ou dans un choix important ; ceux qui nous ont confessé et fait l’onction des malades ; ceux qui nous guident dans nos diocèses, nos paroisses, nos sanctuaires.
Rendons grâce à Dieu pour nos prêtres et prions le Seul Pasteur de nous en envoyer encore beaucoup, car la mission est loin d’être achevée et son terme est tellement grandiose : rien de moins que la vie en abondance !
Amen.