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dimanche 29 juillet - 17ème dimanche du temps ordinaire
Avant même que vous l'ayez demandé !
Par le père Ludovic Frère, recteurPremière grande nouvelle de cette multiplication des pains : le Seigneur a le souci de tous nos besoins. Il en a le souci et il veut nous rassasier ! Les foules ont faim, ou plutôt : elles vont avoir faim. Jésus le sait, Jésus le sent. Avant même qu’une demande lui soit faite, avant que le moindre gémissement se fasse entendre, il connaît déjà ce qui nous est nécessaire. Le Seigneur qui nous a faits, qui porte tout, qui nous connaît mieux que nous-mêmes, sait de quoi nous avons besoin avant-même que nous le découvrions.
Notre Dieu n’a donc pas à être informé de nos besoins. Notre prière n’est bien sûr pas pour le convaincre de s’occuper de nous ! La prière vise plutôt à épouser son propre désir divin de rassasier, son propre regard sur les besoins du monde et sur nos besoins personnels.
D’où cette question primordiale : ce souci divin est-il aussi le nôtre ? Non seulement pour nous-mêmes et pour nos proches, mais encore pour le monde entier ? L’indifférence aux besoins du monde n’est pas possible quand on confesse un Dieu soucieux de ce qui est nécessaire à chacun.
Mais deux détails rapportés par saint Jean nous invitent à lire encore autrement cet épisode :
- D’abord, « Jésus passa de l’autre côté ». Un changement de rive qu’on peut interpréter comme un appel à voir la réalité par un autre côté, un autre angle d’approche. Non pas seulement nos besoins physiologiques, mais d’autres besoins tout aussi essentiels : nos besoins spirituels.
- D’où cette 2e notation géographique : « Jésus gravit la montagne. » Prendre de la hauteur par rapport à nos besoins ordinaires, comme vous êtes venus le faire ici : sur la montagne pour prendre de la hauteur. Hauteur de vue pour découvrir de quoi vous avez vraiment besoin.
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Alors, vous tous qui êtes venus cette semaine ou aujourd’hui sur la montagne du Laus, demandez-vous de quoi vous avez vraiment besoin pour être heureux, pour être en paix, pour être en vérité avec vous-mêmes et devant les autres, pour avancer en sainteté. Qu’est-ce qui vous est vraiment nécessaire ?
Je vous encourage à prendre maintenant quelques instants pour repérer vos plus grands besoins. S’il fallait en lister 2 ou 3, sauriez-vous mettre des mots dessus ? Prenons-les à présent, ces quelques instants pour dire au fond de nous-mêmes : « Seigneur, aujourd’hui, je reconnais que j’ai besoin de cela ». Mettez simplement des mots sur vos besoins actuels et présentez-les humblement au Seigneur.
(temps de silence)
Maintenant que nous les avons présentés, reconnaissons que le Seigneur les connaissait déjà, tous nos besoins, avant même que nous les lui ayons confiés. Reconnaissons qu’il les savait et qu’il les portait.
Nous ne parvenons pas toujours à le constater par nous-mêmes, mais le récit de la multiplication des pains nous en convainc : le Seigneur a déjà pris dans ses bras, sur sa croix, dans sa lumière, tout ce dont nous avons vraiment besoin ! Laissez-le donc rejoindre encore tous vos besoins pour qu’il vous dise qu’il les connaît, pour qu’il vous assure qu’il s’en occupe avant même que vous les ayez identifiés.
Et alors, gravissez la montagne : prenez de la hauteur pour vous demander d’abord si ces besoins méritent que vous y consacriez votre énergie, s’ils devraient plutôt être convertis, libérés de la peur, ou simplement acceptés, tout en reconnaissant qu’au Ciel seulement les désirs purs seront pleinement comblés.
Même si cet après-midi, ce soir ou demain, vous allez redescendre du Laus pour gagner la plaine de votre vie ordinaire ou de la suite de vos vacances, gardez de la hauteur sur vos faims les plus essentielles. Restez sur la montagne avec le Christ, n’abandonnez pas la prière, la méditation de la Bible, l’Eucharistie, la confession : restez auprès du Maître et écoutez-le.
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C’est bien ce que nous sommes venus faire ce matin : écouter le Seigneur. Particulièrement quand il nous parle dans l’évangile, par des paroles incontournables, qui vont droit au cœur. En fait, dans cet épisode rapporté par saint Jean, après la question du Christ « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? », il ne dit plus que deux paroles en style direct. Deux paroles qui sont deux impératifs : « faites asseoir les gens » puis « rassemblez les morceaux en plus ». Voilà les deux seuls ordres que Jésus donne ici à ses disciples. Deux impératifs qui nous concernent nécessairement nous aussi.
Le premier semble viser simplement l’organisation : « faites asseoir les gens ». Mais en prenant de la hauteur sur la montagne, nous saisissons que cet ordre est loin d’être anodin : « faites asseoir ». Est-ce que vous savez le prendre pour vous, cet ordre du Seigneur ? ça ne sert à rien de courir dans la vie, de zapper d’une activité à une autre si vous ne prenez pas le temps de vous asseoir. Beaucoup d’entre nous en ont fait l’expérience au cours de cette semaine : en ce sanctuaire si paisible, ils ont pu s’asseoir. S’asseoir sur l’herbe, à table ou au bar, s’asseoir dans la basilique ou dans un confessionnal. Ils y ont trouvé la paix, forcément, car quand on s’assoit, on arrête de s’agiter. On cesse de s’inquiéter pour tout, comme la sœur de Marthe, Marie, assise aux pieds de Jésus.
Alors, vous qui partez du Laus, n’oubliez pas de continuer à vous asseoir. De prendre du temps pour cela ; nécessairement, ça prend du temps, mais c’est tout simplement indispensable, autant que le pain. Autant que le pain !
Et cet impératif reçu du Christ – « faites asseoir les gens » - devient aussi une mission : comment permettez-vous aux autres de s’asseoir ? À votre conjoint, à vos enfants, à vos parents, aux membres de votre communauté chrétienne ? Comment les aidez-vous à s’asseoir pour se poser, donner du sens à leur vie et écouter le Christ ?
Voilà alors ce deuxième impératif que Jésus nous donne aujourd’hui : « rassemblez les morceaux en plus ». On peut penser que ces restes seront donnés à d’autres, aux absents, pour qu’eux-mêmes soient rassasiés. Nous trouvons encore là le sens de notre mission de chrétiens. Saint Bernard de Clairvaux disait que nous sommes comme des vasques : nous ne pouvons donner que ce qui déborde de nous-mêmes. Ainsi, l’Eucharistie vient nous remplir pour que nous débordions. Laissez-vous donc remplir par le Seigneur, remplir de délicatesse, de tendresse, de douceur… pour que ça se déverse ensuite par-delà votre propre cœur sur tous les autres, les bons comme les méchants. Car c’est ainsi qu’agit le Seigneur envers tous !
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Au final, on peut reconnaître que cet évangile de la multiplication des pains a plusieurs niveaux de lecture. Il nous dit la puissance de vie qui jaillit du Christ autant qu’il introduit le grand discours de Jésus sur le pain de vie. Il annonce l’Eucharistie autant qu’il préfigure le Ciel, quand tous nos besoins seront pleinement rassasiés.
Mais ce miracle annonce aussi ce que nous pouvons vivre au cours de cette semaine : à chaque fois qu’un besoin se fera sentir, reconnaissez que le Seigneur le savait avant vous. Il vous aidera à l’assumer, à le différer, à y renoncer peut-être. À chaque fois aussi, entendez-le vous dire : « assieds-toi » ; et faites-le vraiment ! Asseyez-vous et reposez-vous sur le cœur de Jésus, donc aussi nécessairement en celui de Marie. Asseyez-vous aussi comme un témoignage adressé aux autres que nos faims sont sans fin tant qu’elles n’ont pas Jésus pour fin.
Amen.