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Sunday 25 December - Homélie du jour de Noël
"Au commencement"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Ceux parmi nous qui espéraient, en ce jour de Noël, entendre le beau récit de la naissance de Jésus à la crèche sont peut-être un peu déçus ; mais, en même temps, quelle beauté et quelle profondeur dans ce prologue de saint Jean ! L’Evangile de la nativité, que nous entendions cette nuit, laisse place aujourd’hui à une méditation profonde du mystère du Christ. La nuit était faite pour contempler l’événement ; le jour s’est levé, nous offrant la lumière nécessaire pour comprendre ce qui s’est passé. Or, pour comprendre, il convient de partir du commencement.
« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu,
et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ».
« Au commencement ». C’est ainsi que s’ouvre le prologue de saint Jean, comme un écho évident aux premiers mots de la Bible : « au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1,1). Mais saint Jean a fait un saut, davantage conceptuel que chronologique : du commencement de la création, qui peut être à peu près datée, il est remonté au commencement de toute la réalité, qui n’a en fait pas de début : de toute éternité, le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. Il n’a pas eu de commencement ; Dieu n’a pas commencé à exister un jour, Il est Dieu, éternellement. Le Fils unique du Père n’a pas commencé à être son Fils un jour, il est engendré de toute éternité. Dieu n’est pas devenu Père, Fils et Saint-Esprit, Il l’a toujours été.
A entendre des scientifiques nous dire qu’il existe dans l’univers une centaine de milliards de galaxies, composée chacune de centaines de milliards d’étoiles, on peut comprendre notre vertige à tenter de penser Celui qui est en l’auteur et qui est sans commencement.
* * *
Ce vertige des commencements nous fait saisir à quel point Dieu nous dépasse. Mais c’est un vertige plus grand encore qui nous gagne en accueillant le mystère de ce jour. Ainsi, saint Jean nous surprend : au commencement, sans commencement, le Verbe était Dieu, mais, voici qu’un jour « le Verbe s’est fait chair ».
Celui qui est sans commencement a voulu avoir un commencement dans la chair : il est devenu l’un de nous. Ce n’est pas seulement le signe de sa grande humilité, mais c’est son sublime témoignage d’amour qui entraîne un bouleversement de toute l’histoire. Car désormais, il existe un nouveau commencement.
Le commencement de la création du monde avait créé un temps qui se déroulait de manière linéaire : il y avait eu un début, puis le déroulement des événements et leur fin. Mais voilà : « le Verbe s’est fait chair ». Il ne s’agit donc plus désormais de penser à partir d’un moment chronologique initial, mais d’un moment fondamental, qui change tout.
Notre accueil des commencements ne s’attache donc plus désormais à l’origine du monde, en remontant le fil des générations et des siècles. Il s’attache à l’événement décisif de toute l’histoire : le Fils éternel qui devient homme pour nous sauver. Il y a toujours un « avant » et un « après », mais ce ne sont plus « l’avant » et « l’après » création qui déterminent la marche du monde : c’est « l’avant » et « l’après » Jésus-Christ.
Le vrai commencement est couché dans une mangeoire. Il n’est pas une date, ou un événement tel le bing-bang ; il est quelqu’un, il est Dieu fait homme. Le commencement n’est plus un problème scientifique à résoudre, ni une quête philosophique à satisfaire ; le commencement, c’est le Christ.
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Ce commencement avait bien sûr été préparé, avec Abraham, Moïse, David et les prophètes ; mais tous regardaient vers le Christ. De même pour nous aujourd’hui : nous ne vivons plus désormais sur une ligne de l’histoire, où chacun naît, grandit, et meurt. La vie n’est pas comme un tapis roulant, avançant inexorablement pour nous conduire du début à la fin ; elle n’est plus linéaire, elle est englobée dans la vie du Christ. Par son commencement dans la chair, il a transformé le temps. De temps qui passe, celui-ci est devenu : temps qui accomplit.
Désormais, parce que l’Eternel est entré dans le temps et qu’il a déterminé un nouveau commencement, c’est chacune de nos journées, dans ce qu’elles ont de plus ordinaire, qui se révèle lieu d’accomplissement du temps de Dieu. Jésus-Christ, en habitant le temps, a fait de Lui-même le commencement de chacune de nos journées, de nos activités, de nos relations. Plus rien n’est étranger à sa présence ; et tout ce que nous commençons doit être placé sous son regard.
Désormais, parce que l’Eternel est entré dans le temps, faisant du nouveau commencement le début de la nouvelle création, nous ne trouvons de sens à notre vie qu’en accueillant cette recréation dans le Christ ; en nous émerveillant de cette recréation plus encore que nous le faisons des beautés de la création. Si la splendeur des montagnes ou la douceur d’un coucher de soleil élèvent nos âmes, combien plus les beautés de la création nouvelle dans le Christ peuvent nous exalter : beautés du pardon, de la victoire sur la mort, de l’amour des ennemis, de l’abaissement pour prendre la dernière place. Telle est cette recréation dans laquelle nous devons entrer et nous épanouir toujours davantage, sans quoi nous risquons bien d’être déjà morts.
Laissons l’œuvre de la recréation se poursuivre en nous ; elle a commencé et elle s’approfondit de jour en jour, même si nous avons l’impression de stagner dans la vie spirituelle, voire même de reculer parfois. L’œuvre de recréation s’accomplit ; il nous faut juste y consentir. Quels efforts avez-vous réalisés pour être créé ? Il n’y en a pas davantage à faire pour être recréé ; il faut seulement l’accepter, en accueillant le Christ, Dieu parmi nous, Dieu qui nous sauve.
Et pour y consentir, nous sommes appelés à être, nous aussi, des acteurs de cette recréation dans le Christ. Il en est le commencement et l’achèvement, mais nous pouvons apporter notre part, en laissant le Seigneur recréer nos relations blessées, notre passé tortueux ou nos esprits rebelles. Depuis que le Sauveur du monde est entré dans le temps, tout peut être guéri et recréé : voilà la bonne nouvelle de Noël et la raison de notre plus grande joie.
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Alors, en ce jour de Noël, et en notre sanctuaire – témoin privilégié de recréation - faisons encore la fête ; faisons-là belle et profonde, partagée et pleine d’allégresse. Mais sachons pourquoi nous la faisons, et dans quel sens : comme une célébration enthousiaste du bouleversement du temps opéré par la naissance du Sauveur, sa mort et sa résurrection.
« Car le monde tel que nous le voyons est en train de passer », dit saint Paul. Dans une semaine, une nouvelle année ; encore le temps qui passe, qui passe tellement vite. Mais ce temps ne meurt pas, il ne meurt plus : il est dans la main de Dieu, temps de recréation.
Alors, sachons vivre ce jour de Noël dans une belle et sainte tension vers les réalités que cette fête nous annonce et nous donne déjà, comme saint Augustin nous y invite : « le fleuve des choses temporelles nous entraîne. Mais, comme un arbre au bord du fleuve, est né notre Seigneur Jésus-Christ (…). Il a voulu, en quelque sorte, se planter au bord du fleuve des choses temporelles. Tu es emporté par le courant ? Tiens-toi à l’arbre. L’amour du monde te roule dans son tourbillon ? Tiens-toi au Christ ».
Joyeux Noël à tous ! Amen.
Télécharger l'homélie de la messe du jour de Noël - Dimanche 25 décembre 2011 - Année B