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Sunday 27 November - Homélie du 1er dimanche de l'Avent, année B
"Ah, si tu déchirais les cieux !"
Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
« Ah, si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! »
Comme un porte-parole de tous les croyants, qui lèvent les yeux vers le Ciel, qui tendent les mains vers En-Haut, le prophète s’écrie : « Ah, si tu déchirais les cieux » ! Seigneur, si tu rompais cette épaisseur qui semble nous séparer de Toi ; alors c’est certain, nous pourrions trouver enfin la paix véritable, la sécurité, la joie que nous appelons tant de nos vœux !
Cet espoir a trouvé sa réponse en Jésus-Christ. Les cieux se sont déchirés, quand le Verbe s’est fait chair. Au terme de ce temps de l’Avent, nous fêterons dans l’allégresse les cieux ouverts ; et, avec les anges, c’est toute la création qui chantera : « gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ! »… un chant que nous taisons pendant l’Avent, justement pour qu’il éclate avec une force renouvelée, dans la nuit de Noël.
Mais celui qui a déchiré les cieux dans le silence d’une nuit de Palestine, les déchirera de nouveau au grand jour, pour juger les vivants et les morts. Dans quelques minutes, demain ou dans plusieurs millénaires, peu importe : « vous ne savez pas quand viendra le moment », « il peut arriver à l’improviste ». Mais ce que nous savons, c’est qu’il viendra. Et ce que nous connaissons aussi, c’est la manière de nous comporter jusque-là: « prenez garde, veillez ». Ne manquons pas d’être en éveil quand les cieux se déchireront !
En fait, il faudrait dire : « quand les cieux se déchirent » : car, en grec, dans le texte de l’Evangile, les verbes sont au présent. Alors, plutôt que d’entendre : « vous ne savez pas quand le maître de maison reviendra », il faudrait lire : « vous ne savez pas quand il revient ». Nous l’ignorons : cette venue est peut-être encore lointaine ; mais en même temps, elle a une proximité, qui fait que notre attente est déjà accueil de sa présence.
Ainsi, le Seigneur a déchiré les cieux, nous le fêterons à Noël ; il les déchirera de nouveau quand il viendra dans la gloire ; et il les déchire quotidiennement, par sa présence réelle dans l’Eucharistie, par sa Parole vivante, par l’Eglise qui est son corps, ou par les plus indigents : « ce que vous avez fait au plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait », entendions-nous dimanche dernier.
Saint Bernard de Clairvaux résumait ainsi ce triple mystère : « Christ est venu pour les hommes, dans les hommes et face aux hommes ». La première venue était humble et pauvre ; la deuxième est mystérieuse et voilée ; la troisième sera éclatante et définitive.
Trois avènements, indissociablement signes et moyens de la tendre miséricorde de Dieu, de la communication de la vraie joie, de l’accueil du salut. Trois venues que nous ne pouvons pas désunir, même s’il est profitable de savoir bien les distinguer. Alors, distinguons sans désunir, pour repérer comment le premier avènement continue son œuvre au présent, et combien la venue future oriente résolument notre vie quotidienne.
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Le premier avènement continue son œuvre au présent ; comment en serait-il autrement ? Le Verbe s’est fait chair, Dieu a foulé la terre, il y a perdu la vie et il est ressuscité : rien n’est plus pareil depuis que le Fils unique du Père a pris chair, a tué la mort et a écrasé Satan. La réalité radicalement nouvelle de ce premier avènement, nous aurons bien l’occasion de la contempler, à Noël ; le temps de l’Avent se présente ainsi comme un moment favorable pour nous préparer à ce que nous allons célébrer.
Contemplant d’un côté ce premier avènement, et de l’autre l’attitude fébrile de ses contemporains au moment des fêtes, saint Bernard de Clairvaux disait déjà au 12e siècle : « on voit les gens, dans ces jours de solennité, rechercher les parures et les délices de la table avec tant d’ardeur qu’on pourrait croire que le Christ n’a pas eu autre chose en vue, en naissant parmi nous ». Il ne s’agit bien sûr pas de bouder la fête, mais de savoir pourquoi nous allons la faire et de garder une juste mesure dans les préparatifs qui vont occuper une partie de notre temps de l’Avent.
Car nous ne pouvons pas oublier que ce premier avènement nous a placés dans une nouvelle étape de l’histoire du salut : le Messie est venu dans l’humilité de la crèche et l’humiliation de la croix ; il reviendra dans l’éclat de la Gloire. Nous sommes entre ces deux venues, un entre-deux qui ne peut être qu’une attente vigilante, joyeuse, et pleine d’espérance parce que tout a changé depuis le Christ : tout nous a été révélé en Lui, tout attend d’être définitivement accompli par Lui.
Alors, les temps où nous sommes sont ceux d’une veille, attentive et active : « prenez garde et veillez ». Prenez les moyens de rester en éveil, car le Seigneur « peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis » (Marc 13,36). Il ne faut pas dormir : notre vie sur terre ne doit jamais devenir un temps de somnolence, alors-même qu’un grand nombre de somnifères sont à notre portés ; ils s’appellent : les divertissements à outrance, l’argent, l’orgueil, mais aussi : le manque de vigilance à soigner les plus petits, ou le manque d’attention à bien gérer le temps pour ne pas manquer ce qui est le plus important.
Non, nous ne pouvons pas dormir ! L’Evangile est à la fois un profond réconfort et un grand tourment, qui nous empêche de nous endormir. Voilà le sens du temps de l’Avent : résumer en quatre semaines la réalité de toute notre vie : veiller pour ne pas manquer le grand rendez-vous. Garder les yeux ouverts sur le monde et ses souffrances, sur le Christ et sa présence. Certains parmi nous l’on fait cette nuit, au cours de l’adoration ; à travers l’attention à ne pas fermer les paupières parfois lourdes, nous avons manifesté notre désir de garder les yeux fixés sur le Christ, malgré la fatigue, malgré l’envie, peut être, d’être ailleurs, dans un meilleur confort.
A la vie confortable, à l’objectif de chercher le bien-être à tous prix, nous, chrétiens, nous préférons rester éveillés, donc aussi : dérangés, pour que notre existence ne soit pas conduite par nos désirs de vie facile, mais par la grâce du Seigneur. Cette grâce dont la première lecture nous a révélé la manière d’agir : « nous sommes l’argile, tu es le potier : nous sommes l’ouvrage de tes mains ».
Laissons-nous former par le Seigneur, pour correspondre à ce qu’il attend de nous. Laissons-nous patiemment modeler, pour prendre la forme de sa volonté, non pas la nôtre. Que nous prenions la forme du Christ, car c’est seulement ainsi que nous pourrons nous présenter paisiblement, devant Lui, lors de son troisième avènement.
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Si la première venue, dans la chair, informe nécessairement le présent, qu’elle a radicalement changé, le troisième avènement, dans la gloire, doit aussi orienter notre vie quotidienne. Cette dernière venue ne peut être datée : « nul ne sait le jour ni l’heure, pas même le Fils de Dieu », confie le Christ.
Ainsi purifiée de toute échéance, cette troisième venue peut être vraiment désirée. « Le Seigneur n’est pas en retard pour tenir ses promesses, dit Saint Pierre, c’est pour vous qu’il patiente ». Nous attendons une venue, mais la patience pour attendre n’est pas tant la nôtre que celle du Seigneur Lui-même : « c’est pour vous qu’il patiente ».
La patience est donc le moyen privilégié pour nous laisser modeler par le Seigneur, afin que nous prenions davantage la forme du Christ. Ainsi, de frustrante, la patience pour attendre le retour du Seigneur peut se fait « désir ».
Quelle joie d’attendre le Sauveur ! Comme à la veille de Noël, où l’excitation de la fête donne déjà aux enfants une joyeuse fébrilité, notre attente est celle d’une certitude : nous allons embrasser Celui que nous ne voyons pour l’instant que de manière voilée. Si cette attente éveille en nous davantage la peur que la joie, il convient de nous interroger soit sur notre conception de Dieu, soit sur ce qui doit urgemment être changé dans nos vies ! Si nous suivons le Christ, sans bien sûr jamais y parvenir totalement, nous pouvons être en paix : la rencontre sera toute d’allégresse !
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« Ah ! Si tu déchirais les cieux et si tu descendais ». Nous espérons tellement cette joie sans ombre !
« Ah ! Si tu déchirais les cieux ! »… « je l’ai fait, je le fais et je le ferai », répond notre Dieu, en Jésus-Christ. « Mais je te propose, à toi aussi, de pouvoir déchirer les cieux. Non par tes propres forces, mais par ma seule grâce, déchire les cieux pour me rejoindre. Fais cet effort de ne pas rester cramponné à la terre de tes projets personnels et de tes vanités. Déchire cieux, lâche du leste pour pouvoir Me laisser t’élever plus haut ; largue les amarres qui t’empêchent de partir au large !
Tu en trouves la clé dans mes trois avènements : contemple le premier, agis pour le second, veille le troisième. Et je pourrai t’emporter dans les cieux », dit le Seigneur.
MARANATHA. Viens, Seigneur Jésus !
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