Rechercher dans les homélies
Homélie en détails
Pour être tenu informé des publications d'homélies
Sunday 1 December - 1er dimanche de l’Avent, année A
A vos marques… prêts… veillez !
Par le père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Quand on aime quelqu’un, on se réjouit de sa venue. On prépare tout qui pourra lui faire plaisir. On compte les heures et même les minutes avant son arrivée : la venue d’un ami est une fête ! Mais quand Jésus nous parle de son retour, Lui notre bien-aimé se réfère à l’époque de Noé, celle d’un déluge. Ou alors, il prend l’image d’un voleur, qui vient percer le mur de la maison… Franchement, pour nous donner envie de l’accueillir, des images moins inquiétantes n’auraient-elles pas été préférables ?
Mais nous connaissons Jésus ; nous savons quel amour il nous porte. Alors, nous ne risquons pas d’interprétation erronée : le Seigneur ne veut certainement pas nous effrayer, mais bien nous réveiller : « C’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil », nous a dit Saint Paul dans la deuxième lecture (Rm 13, 11).
C’est le moment ! Ce premier dimanche de l’Avent - ce premier jour de la nouvelle année liturgique - est le moment favorable pour sortir du sommeil. C’est le bon moment pour nous reconnaître prêts à accueillir le Seigneur, disposés à s’approcher de Lui, sereins à la perspective du passage de la mort qui nous fera Le rencontrer face à face. C’est le moment favorable, non pas pour creuser en nous la peur, mais pour nous réveiller et prendre les dispositions nécessaires afin de rester éveillés. D’où ces images du déluge et du voleur : elles ne disent pas que Jésus vient apporter des catastrophes, mais que pour le découvrir quand il viendra, il nous faut avoir les yeux ouverts : « l’heure est venue de sortir de votre sommeil » !
* * *
Je me suis personnellement souvent demandé si je n’avais pas manqué un jour ou l’autre de rencontrer le Christ. Vous savez, quand on accorde peu d’attention à une personne dans le besoin, quand on néglige un pauvre qui nous tend la main, peut-être manque-t-on alors la rencontre avec le Seigneur, qui nous rejoint là, qui nous attend là. Et nous, nous dormons, nous regardons ailleurs, nous ne voulons pas être dérangés.
« Avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait », reconnaît Jésus. Rien de mauvais en tout cela, bien entendu. Mais une existence où l’on ne cherche qu’à manger, boire et faire sa vie risque de faire manquer la rencontre avec le Christ, lui qui survient sans qu’on s’y attende et certainement pas là où on l’attend : le voleur ne passera pas par une porte ou une fenêtre, il percera le mur. Et sans doute le temps de l’Avent est-il opportun pour regarder en face les murs que nous avons érigés et que le Christ doit percer pour nous rejoindre en vérité.
Alors, soyons prêts à rencontrer le Seigneur qui vient. Etre prêt, ce n’est pas être parfait, mais c’est faire en sorte de rester éveillé et donc disponible. Le temps de l’Avent est un temps de disponibilité, une ouverture intérieure et extérieure, pour dialoguer davantage avec le Tout-autre et avec les autres.
Peut-être les calendriers de l’Avent, dont les enfants ouvrent chaque jour une fenêtre à partir d’aujourd’hui, peuvent-ils être de bons symboles de ce que doit être notre temps de l’Avent : une ouverture progressive de fenêtres. Chaque jour, une fenêtre sur le monde peut s’ouvrir en nous, une fenêtre sur Dieu, une fenêtre sur votre conjoint qui a besoin d’attention, sur votre enfant ou petit-enfant qui attend que vous lui offriez du temps. Ouvrez les fenêtres !
Je vous propose ainsi de réaliser aujourd’hui un calendrier de l’Avent particulier. Vous y écrivez 25 petites ouvertures que vous pouvez vivre, envers le Seigneur et envers les autres. Et chacun de ces 25 jours qui nous conduisent à Noël, vous ouvrez l’une de ces fenêtres.
Pour ne pas courir après mille projets à la fois, vous pouvez aussi décider de l’accent principal de votre temps d’Avent :
- plus de temps pour la prière, et ça fera 25 fenêtres ouvertes sur Dieu pour vous consacrer davantage à Lui ;
- plus d’attention pour l’un de vos proches, et ça fera 25 fenêtres de relations vraies, de temps offert gratuitement ;
- plus de bienveillance aussi envers vous-mêmes, et ça fera 25 fenêtres pour arrêter de vous faire cette guerre intérieure qui vous mine. Quelles seront les 25 fenêtres de votre temps d’Avent, faisant de ce mois de décembre non pas la quête fébrile et anxieuse des cadeaux de Noël et des menus de fêtes, mais une véritable ouverture, une bouffée d’air frais, un véritable apaisement ?
* * *
Ou encore, vivre le temps de l’Avent, c’est décider un peu, en cette fin d’année, de cesser d’être dans le « faire » et l’affairement pour laisser davantage le Seigneur faire en nous. Dans la Bible, c’est l’image de l’argile qui illustre le plus bellement cette nécessité de nous rendre disponibles à l’agir de Dieu. « Nous sommes l’argile, tu es le potier ; nous sommes l’ouvrage de tes mains », reconnaît le prophète Isaïe (Is 64,8). Et à un autre prophète, Jérémie, le Seigneur demande : « Lève-toi, descends dans la maison du potier ; et là, je te ferai entendre mes paroles » (Jr 18,2).
Voilà ce que nous sommes appelés à vivre au cours de l’Avent : descendre dans la maison du potier. « Descendre », c’est-à-dire quitter nos prétentions, pour venir dans la maison du potier. Seigneur, « nous sommes l’argile, tu es le potier ; nous sommes l’ouvrage de tes mains ». Le potier peut modeler son ouvrage tant qu’il n’a pas la forme qui lui convient ; ainsi le Seigneur ne cesse de nous modeler.
Des fois, ça fait du bien, comme un doux massage ; des fois, ça fait mal, comme lorsque le potier reprend totalement son vase, parce que l’argile s’est affaissé. Mais puisque cet argile est encore malléable, le Seigneur peut reprendre son ouvrage ; rien n’est jamais figé ! Entendons-nous : rien n’est jamais figé dans la vie !
Viendra un jour où l’ouvrage sera figé : il sera mis au four et prendra ainsi sa belle forme définitive. Ce temps du passage au four, c’est le retour du Christ, dont il nous parle en cette première partie de l’Avent : « tenez-vous donc prêt ; c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » (Mt 24, 44). Oui, il viendra mettre au four, dans la joie de l’ouvrage achevé, la forme que nous aurons prise en nous laissant modeler par le Père.
Mais pour l’instant, nous devons rester dans les mains du potier : c’est l’étape du modelage. C’est notre condition terrestre : accepter d’en être à l’étape du modelage et non de l’achèvement. Accepter de ne pas être encore arrivé, avec la possibilité permanente que le Seigneur reprenne son œuvre, car il le peut toujours, dans toute situation.
L’argile, lui, n’a qu’à se laisser faire. S’il veut de lui-même réaliser la forme qu’il doit prendre, il risque de gâcher l’œuvre. Il doit donc se laisser faire, accepter de dépendre du potier et être docile à accueillir l’eau – l’eau de l’Esprit - qui permettra à la matière de pouvoir continuer à être travaillée par le Père. En ce temps de l’Avent particulièrement, laissez donc l’eau de l’Esprit vous placer davantage dans les mains du potier, pour qu’il continue son travail, qu’il améliore son ouvrage.
* * *
Découvrir le Christ en l’autre, ouvrir les fenêtres du calendrier de l’Avent, laisser le potier nous travailler : voici quelques pistes que je vous propose modestement pour vivre en profondeur ce temps de l’Avent et le vivre dès ce premier jour du mois. Car « c’est le moment, l’heure est venue de sortir de sortir de votre sommeil » (Rm 13, 11).
Viens, Seigneur Jésus. Amen.