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Sunday 3 May - Entrer et sortir
4e dimanche du Temps Pascal
Par le père Ludovic Frère, recteur
Messe du dimanche 3 mai 2020 – 4e dimanche du temps pascal
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Entrer et sortir
Il y a des mots qu’on utilisait peu auparavant et qui prennent tout-à-coup une actualité particulière. « Confinement »… personnellement, j’employais très peu ce mot jusqu’à le mi-mars ; désormais, c’est plusieurs fois par jour. « Déconfinement »… je pense que je n’avais jamais utilisé ce terme ; maintenant, il va jusqu’à habiter mes rêves ! Oui, il a comme ça des réalités qui prennent soudain beaucoup de place dans nos esprits et dans nos discussions !
Il peut donc aussi y avoir des paroles bibliques qui prennent une nouvelle actualité dans un contexte particulier. Parce que la Parole de Dieu est vivante, elle rejoint et éclaire tout ce que l’on vit. Ainsi pour l’évangile d’aujourd’hui, qui nous parle d’enclos, d’entrée et de sortie, alors que nous ne sommes plus qu’à une semaine d’une sortie de confinement très progressive. « Enclos », « entrée », « sortie » : voilà donc un évangile qui porte une magnifique actualité pour aujourd’hui et certainement une belle promesse pour nous tous !
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En fait, la promesse du Christ est double. Nous venons d’entendre deux discours, interrompus par un commentaire de saint Jean sur l’incapacité des Pharisiens à comprendre cet enseignement. Je vous propose alors de bien regarder chacun de ces deux discours, pour ne pas être nous-mêmes, comme ces Pharisiens, incapables d’entendre ce que Jésus veut nous révéler.
Le premier discours, des versets 1 à 5, tourne autour d’un grand verbe de déconfinement : sortir. Le Christ dit de Lui-même, en tant que berger des brebis : « il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir » (Jn 10,3). En ce moment, nous saisissons peut-être plus que jamais combien nous sommes faits pour sortir.
Pas seulement sortir au restaurant, au cinéma ou chez des amis, même si tout cela est évidement fort sympathique. Mais avant d’être un verbe de déconfinement, « sortir » est un verbe de résurrection. C’est d’abord sortir d’Égypte, pour passer de l’esclavage à la Terre promise, ; et avec le Christ, ça devient sortir des impasses du péché, sortir de la domination du Mal, et sortir du tombeau pour la vie nouvelle et éternelle. Depuis la nuit pascale, nous célébrons la joie d’une grande « sortie » ! Sans même une attestation pour cela, puisque l’attestation, le Sauveur l’a Lui-même portée sur la croix. Et nous voilà libres !
Cette promesse de sortie sera d’ailleurs prolongée, au chapitre suivant de saint Jean, par l’événement de la résurrection de Lazare. Jésus va appeler son ami par son prénom, lui disant : « Lazare, viens dehors ! » (Jn 11,43) – autrement dit : « sors de là ! ». Au moment de notre mort, quelle joie de savoir qu’une voix nous appellera par notre prénom et nous dira : « sors du tombeau ! Je t’ai fait pour la vie ! Sors de là ! »
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Mais qu’est-ce que cette parole peut nous dire déjà pour maintenant ? « Sors de là » ! Jésus dit même que le berger « pousse » dehors ses brebis. Un geste énergique, pour éviter qu’aucune d’entre elles ne reste enfermée dans un quelconque confinement. « Sors de là ! »
Autant le reconnaître : par amour, le Seigneur vient souvent nous pousser pour nous faire sortir. Il connaît nos tentations de rester bien repliés sur nous-mêmes, sur nos blessures, notre passé, nos déceptions. « Viens dehors, sors de là ! ». Sortir de nos satanées complicités avec le Mal, notamment ces « péchés d’habitude » dont parlent souvent le message du Laus : sortir de la résignation devant ces péchés qui reviennent souvent. Sortir aussi de situations de vie qui ne sont pas selon la volonté de Dieu.
Sortir encore des a priori, des « on a toujours fais comme ça » et des « tu ne changeras jamais »… Laissez donc le Christ vous pousser en dehors de vos esclavages, de vos peurs et de vos doutes… Il est vraiment temps de laisser le Sauveur nous faire sortir !
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Mais à ce premier discours de sortie, Jésus joint un deuxième, aux versets 6 à 10. Il ne s’agit plus alors de « sortir », mais d’entrer : « Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé » (Jn 10,9). S’il faut sortir de nous-mêmes, c’est pour entrer dans quelque chose de nouveau. Entrer dans la vie éternelle déjà commencée sur Terre ; entrer dans un autre regard sur les souffrances du monde ; entrer en nous-mêmes pour éviter de nous éparpiller en mille préoccupations futiles.
Ainsi donc : tout en acceptant de sortir de nous-mêmes - ou pour parvenir à réaliser cette sortie - le Christ nous demande d’entrer toujours davantage dans une relation vivante au Père, par Lui, dans l’Esprit. « Moi, je suis la porte des brebis » : Passer par le Ressuscité pour entrer s’abreuver à la Source éternelle !
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Vous voyez donc ce double mouvement, à vivre comme une danse : « sortir » et « entrer ». Deux discours complémentaires, que le Christ réunit ensuite en une seule parole, au verset 9 : « Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage » (Jn 10,9). Il s’agit donc pour nous de ne cesser d’entrer et de sortir, dans un perpétuel mouvement de vie :
- Entrer en nous pour y faire la vérité, sortir de nous-même pour faire passer les autres avant nous ;
- entrer en discussion avec le monde, sortir des logiques mondaines ;
- Entrer dans l’amour trinitaire donné en partage ; sortir des certitudes empêchant de s’ouvrir à Dieu qui nous dépasse toujours ;
Entrer et sortir sans cesse, comme le cœur a besoin de faire entrer et sortir le sang qui fait vivre ; comme les poumons ont besoin de faire entrer et sortir l’air qui permet de respirer… Notre vie chrétienne trouve ici son double mouvement : entrer et sortir, pour respirer l’Esprit Saint et avoir un cœur qui bat au rythme du cœur de Jésus.
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Nous sommes faits pour entrer et sortir ! Nous aspirons au déconfinement pour librement entrer et sortir. Nous avons été sauvés par le Christ pour entrer et sortir ! Mais parce que le Seigneur sait combien nous peinons à entrer dans nos profondeurs et à sortir à Sa rencontre, il nous donne les sacrements, il nous donne sa Parole, il nous donne l’appel à la charité : 3 grands lieux d’entrée en nous-mêmes et de sortie vers les autres.
C’est sans doute pourquoi le Christ a laissé une question en suspens : il s’est révélé comme « la porte », permettant au berger de faire entrer et sortir les brebis. Si la porte, c’est le Christ ; si les brebis, c’est nous tous…qui sont donc ces bergers qui tiennent la porte pour faire entrer et sortir ?
En fait, on le comprend en lisant l’ensemble du chapitre 10 : Jésus est le seul berger. Mais en se présentant d’abord comme « la Porte », il nous ouvre à la présence d’autres bergers. Non pas « autres », mais bergers pour Lui, bergers en Lui. Des bergers qui sont des passeurs, avec Lui, afin que les brebis puissent entrer et sortir librement. Nous trouvons ici la sublime mission des prêtres, que notre Église met en lumière par ce dimanche des vocations presbytérales.
Il faut le dire, et j’aime à le dire : il est beau d’être prêtre ! Quelle grâce de faire sortir les brebis de leurs esclavages. Ici au Laus, c’est une mission sublime, qui nous est si fréquente. Quelle grâce aussi de faire entrer les brebis, pour qu’elles plongent plus profondément dans la vie nouvelle des Ressuscités !
Oui, c’est vraiment une belle vocation, celle du prêtre : jamais prêtre pour soi-même, jamais au-dessus des autres, mais seulement passeur pour permettre aux brebis d’entrer et de sortir, afin que la vie du Christ soit intérieure et extérieure, qu’elle nous unifie et nous envoie, qu’elle nous nourrisse et nous fasse nourriciers des autres.
Ô, merci, Seigneur, d’avoir voulu des prêtres pour ton Église, qui actualisent en permanence la sublime promesse que Tu réalises par ta grâce : « Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage » (Jn 10,9). Alléluia !
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