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Monday 27 April - Quel frigo remplir ?
3è semaine du Temps Pascal
Par le père Ludovic Frère, recteurLundi 27 avril 2020 - 3e Semaine du Temps Pascal
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Si vous me permettez de rechercher quelques avantages à ce temps de confinement, j’en vois au moins un : il permet à beaucoup d’entre vous de vivre - et même parfois de découvrir - la beauté de la messe quotidienne, ce rendez-vous de tous les jours avec le Seigneur et entre nous.
L’occasion aussi, à travers ces messes quotidiennes, de percevoir la sublime richesse de la liturgie, sa logique et sa pédagogie, notamment dans sa façon de nous faire goûter la Parole de Dieu. Ainsi, l’Église nous a fait passer une grande partie de la semaine dernière avec Nicodème, Jean chapitre 3. Quant à cette semaine, nous allons tout entière la vivre avec le chapitre 6 de saint Jean sur le « Pain de vie ». Et ainsi nous pourrons nous ouvrir davantage encore au mystère de la nourriture eucharistique, sans doute pour que votre communion substantielle à Jésus Hostie soit renouvelée quand il vous sera de nouveau possible de la vivre.
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Cette semaine, il va donc être question de nourriture ; une question qui habite nécessairement nos esprits. Il est quand même significatif que le premier mouvement, au début du confinement, ait consisté en un rush dans les supermarchés pour remplir les caddies de provisions. La peur de manquer, la peur d’avoir faim : c’est une peur légitimement présente dans l’être humain ! Les foules qui recherchent Jésus sont motivées par la perspective d’être libérés de cette peur. Il faut dire que le Christ vient de multiplier les pains : ça vaut la peine de rester à proximité d’une telle source alimentaire !
Alors, on court après Jésus, qui n’est visiblement pas si facile à trouver si l’on cherche seulement en Lui de quoi faciliter la vie présente… La foule peine à mettre la main sur Lui. Et enfin, « l’ayant trouvé sur l’autre rive », dit saint Jean… L’autre rive, c’est bien sûr l’autre côté du lac. Mais le langage symbolique étant toujours présent dans les récits bibliques, « l’autre rive » évoque aussi certainement la vie par-delà la mort.
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En ce temps pascal, nous sommes sans doute appelés à privilégier cette interprétation : les foules ont cherché Jésus et ne l’ont pas trouvé sur la rive de la vie mortelle. Non pas qu’il soit absent de notre quotidien d’ici-bas, mais depuis Pâques, il est passé sur l’autre rive, il a franchi la mort. Ceux qui le cherchent sont donc appelés à passer avec Lui sur l’autre rive.
Rechercher Jésus sur l’autre rive, en participant à sa mort pour avoir part à sa Vie, c’est donc ne pas voir en Lui un simple garde-manger pour notre vie présente. Jésus n’est pas un frigidaire, il est un Sauveur ! Il n’est pas simplement à notre disposition quand nous avons faim, mais il nous conduit sur les rives de l’éternité. Il n’est pas à notre service pour exaucer nos prières ou nous faciliter la vie : il est notre Souverain Sauveur !
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Voilà pourquoi il lance à ceux qui le cherchent : « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ». On devrait donc courir à la messe pour se nourrir de l’éternité avec plus d’empressement qu’on court au supermarché quand on n’a plus rien à manger ! Il faudrait être bien plus rassurés de la Présence du Seigneur ressuscité que d’un caddie bien rempli !
Alors, bien sûr, il nous faut prier et œuvrer pour ceux qui ont faim de nourriture terrestres. Jésus le demande très clairement. Un chrétien ne peut pas détourner les yeux des affamés ; et la situation actuelle est particulièrement inquiétante à cet égard, auprès de certains de nos compatriotes, mais aussi dans d’autres partie du monde, comme en Inde. Au seuil de cette semaine sur le « Pain de vie », je vous encourage à un acte de générosité à l’égard de ceux qui ont faim de nourritures terrestres.
Mais nous devons entendre aussi toutes les faims qui habitent un être humain : que les faims de nourriture éveillent aux faims spirituelles !
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Je termine alors par un passage de l’histoire du Laus. La bergère qui a vécu ici les apparitions avait son franc-parler. Et la voilà qui interpelle un religieux préférant rester confiné chez lui plutôt que de sortir pour aller à la messe. La bergère lui dit : « Mon bon frère, pour une raison qui me saute aux yeux, ne sortez-vous pas de votre cellule pour aller acheter de quoi vivre ? Ne courrez-vous pas deçà et delà, où l’on se dissipe le plus souvent pour ne pas être toujours recueilli en soi-même ? C’est à vous et non pas à moi de juger de tout ce qui se passe dans votre intérieur et d’en faire un sérieux examen. »
Un « sérieux examen » : le bon sens de Benoîte nous invite tous à un grand discernement sur nos faims véritables et sur notre manière d’y répondre. De quoi avez-vous faim aujourd’hui ? Et quels moyens prenez-vous pour l’assouvir ? Quels faims avez-vous davantage découvertes en ce temps de pandémie ? Et comment ferez-vous pour ne pas les oublier une fois cette épreuve terminée ?
« Suivez-moi sur l’autre rive », nous fait comprendre Jésus. Une autre rive pour un autre regard sur nos faims et sur les faims des autres… Un autre rive que nous franchissons ensemble maintenant, en entrant dans la liturgie eucharistique. Amen.
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