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L'actu du Laus (détail de l'article)
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Relevés par les abaissements du Fils
Cet évangile nous parle d’abord d’une trahison d’amour : une femme a trompé son mari. « Prise en flagrant délit d’adultère »… soyons clairs : on l’a trouvée au lit avec un autre homme… qui, lui, n’est étrangement pas accusé. Il se pourrait même qu’il fasse partie de ceux qui hurlent au visage de cette femme qui a tout du bouc émissaire.
Oui, sans doute parce qu’elle rappelle à tous leurs infidélités, cette femme devient le déversoir de leur haine. Alors, tout le monde est agité, énervé, pressé d’en finir. Tout le monde, sauf Jésus.
Par deux fois, il s’abaisse et il écrit tranquillement sur le sable. La distance qu’il prend ainsi avec la violence de la scène en est presque gênante. Et si elle nous gêne, c’est parce qu’elle nous parle. Pourquoi donc Jésus, qui n’a jamais rien écrit, s’abaisse-t-il aujourd’hui par deux fois pour écrire sur le sol ?
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Cette question n’est sans doute pas anodine. Au cours de l’histoire, les plus grands exégètes y sont allés chacun de son explication. Il me semble pour ma part que l’évangéliste nous donne deux indices, si l’on écoute bien le début de ce chapitre 8 de saint Jean. On y remarque un indice géographique et un indice temporel : « En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple ». Le mont des Oliviers, ça nous dit quelque chose, n’est-ce pas ? Nous y serons dans 11 jours, le Jeudi Saint, pour accompagner le Christ en son agonie. Quant à la mention de l’aurore, traduite aussi par « de bon matin », elle fait penser à ce que nous entendrons le jour de Pâques : « Marie-Madeleine se rend au tombeau de bon matin ».
Vous voyez : entre le jardin d’agonie et le matin de Pâques, nous avons tout le mystère de la Passion et de la Résurrection du Christ. C’est donc certainement dans ce cadre-là qu’il nous faut comprendre l’épisode de la femme adultère.
C’est-à-dire que cet événement de mort programmée et de vie qui l’emporte ne concerne pas seulement cette femme dans sa situation désolante. Cet événement concerne en fait toute l’humanité. Cette femme adultère, c’est l’humanité infidèle qui trahit son Dieu en se laissant séduire par l’Esprit trompeur. Alors qu’elle aurait dû être condamnée à mort pour cette infidélité inacceptable, l’humanité est pourtant graciée par le Christ. La loi promettait la mort, la grâce libère de la mort : « Je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Vous voyez combien cet évangile nous prépare à ce que nous allons célébrer au cours de la Semaine Sainte ! D’où cette référence au Christ qui écrit sur le sol : il le fait par deux fois, deux mouvements, deux abaissements. Ça ne vous fait pas penser à quelque chose ? Les deux grands abaissements que nous confessons dans la foi : le Fils éternel de Dieu qui s’abaisse en prenant chair de notre chair ; nous le fêtons à Noël. Et ce même Fils qui s’abaisse encore, jusqu’à la mort de la croix. Nous le célébrerons dans quelques jours. Deux abaissements pour relever l’humanité adultère.
Par le premier abaissement, le Christ vient nous remettre en cause : Lui qui est vraiment Dieu s’abaisse en prenant chair pour remettre en question nos ridicules élévations humaines. Nous les connaissons bien : quand nous nous pensons supérieurs aux autres, meilleurs que les autres, juges des autres. « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
Mais le Christ n’est pas venu seulement pour interroger nos vies. Il est libérateur et sauveur, il est donneur de vie éternelle ! Alors, il s’abaisse de nouveau, jusqu’à la croix et jusqu’au tombeau. Puis il se relève au matin de Pâques pour saisir dans son relèvement toute l’humanité qui était condamnée à mort. La femme adultère, l’humanité adultère, chacun de nous avec nos infidélités, nous sommes alors pris dans le grand mouvement du Christ qui se relève d’entre les morts ! Et par Lui, nous reprenons vie!
Voilà que s’éclairent alors toutes les autres paroles bibliques que nous venons d’entendre. Chez Isaïe : « Ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle. » Chez Saint Paul : « Oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » Oui, quand on fait l’expérience que Dieu relève, on ne reste plus tourné vers le passé. On oublie ce qui est en arrière, sauf pour en faire une vigilance à ne plus tomber dans l’infidélité. On ne songe plus aux choses d’autrefois et on laisse le Seigneur nous relever sans cesse, comme il nous a relevés au jour de notre baptême.
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Le sanctuaire Notre-Dame du Laus, dans les hauteurs des montagnes, est un signe doux et puissant de ce grand relèvement. On y rencontre la Vierge Marie, qui nous appelle sans relâche à abandonner nos infidélités qui donnent la mort et à nous laisser ressusciter par son Fils. La Belle Dame a voulu ce lieu pour la conversion des pécheurs, c’est-à-dire pour relever les morts !
Ce n’est donc pas simplement l’effacement d’une ardoise qu’on vient chercher ici dans le sacrement du pardon. C’est une vie nouvelle ! Alors, en venant vous confesser, ou en repensant à votre dernière confession, dites-vous bien qu’une condamnation pesait sur vous par vos infidélités. En entrant dans la chapelle des confessions, on n’est jamais bien fier. On se sait infidèle et ça fait mal.
Mais le Christ nous rejoint là pour nous ramener au Père. Il nous prend dans son grand mouvement de résurrection et nous sortons de confession « ressuscités » ! Non pas seulement « pardonnés » au sens où on n’en parle plus, mais « ressuscités » au sens une vie nouvelle s’ouvre à nous.
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De cela, je tire 4 conséquences, que je vous propose sous forme de 4 interpellations vives, vous suppliant de les entendre aujourd’hui :
1ère interpellation : ne vous privez pas de cette expérience de relèvement ! Ne restez pas au sol, enfermé dans vos infidélités. Gardez-vous aussi des postures des pharisiens qui pensent avoir une vie bien correcte. C’est folie de penser pouvoir s’abstenir du pardon divin ! Ma première interpellation est donc une supplique : celle de ne pas contourner l’impérieuse nécessité de vous confesser, et l’impérieuse nécessité d’exhorter vos proches à le faire.
2e interpellation : ne vivez pas la confession de manière superficielle. Elle n’est pas une remise des compteurs à zéro, dans l’attente que le niveau de péché remonte au fur et à mesure des jours. Non, c’est une expérience de résurrection ! Se confesser, c’est reprendre vie en « oubliant ce qui est en arrière et lancé vers l’avant », comme l’a dit saint Paul.
3e interpellation : quand on devait mourir et qu’on retrouve la vie - et qu’on acquiert même une vie infiniment plus belle et plus solide qu’auparavant - comment serait-il possible de retourner aux infidélités d’avant ? Regardez la femme adultère. Elle s’entend dire par le Christ : « Je ne te condamne pas ». Mais il ajoute : « va, et désormais, ne pèche plus ». Sans doute, cette femme commettra-t-elle encore des péchés dans sa vie, mais certainement aussi, cette expérience d’avoir été graciée va la changer en profondeur. D’où cette 3e interpellation : laissez l’offrande du Christ vous changer profondément !
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Pour nous y aider – et pour terminer -, je vous invite à imaginer comment cette femme a continué sa vie par la suite. Je suis certain que plus rien n’était pareil pour elle. Je l’imagine rayonnante, toute donnée aux autres et indifférente aux regards de mépris qu’elle recevait encore des Pharisiens. Une femme libre et belle !
Mais on peut penser aussi au mari de cette femme. Témoin de la scène du relèvement, cet homme sera peut-être entré dans le même mouvement de résurrection, et il aura redonné vie à la relation avec sa femme, d’une manière totalement nouvelle.
On peut penser aussi à l’homme qui avait commis l’adultère avec elle. De près ou de loin, il a vu ce qui s’est passé. Il va alors sans doute couper avec ses propres infidélités et clairement rompre dans son cœur avec cette femme, pour ne pas se remettre en situation de fragilité. Arrêtant de se cacher derrière les infidélités des autres pour ne pas assumer les siennes, il les ouvrira à la lumière, peut-être même viendra-t-il se jeter aux pieds de Jésus, qui le relèvera lui aussi : « va et désormais, je pèche plus ».
Quant aux scribes et aux pharisiens, espérons qu’ils n’aient ensuite plus jamais prétendu avoir droit de vie ou de mort sur quiconque. Espérons qu’ils soient devenus pleins de miséricorde pour avoir eux-mêmes été non seulement témoins, mais aussi bénéficiaires de cette miséricorde. Car les pierres qu’ils voulaient lancer, Jésus aurait pu les lancer sur eux. Mais il ne l’a pas fait. Il vient pour relever tout le monde. Absolument tout le monde.
D’où cette 4e et dernière interpellation : bénéficiaires de la grâce qui nous redonne vie, sommes-nous toujours des donneurs de vie ? Oui, débordons de miséricorde pour les autres, avec toujours plus de tendresse, de douceur, de paroles qui refusent la critique et de gestes qui relèvent.
Allez, il est temps maintenant de vivre ce que nous avons reçu et ce que nous sommes : des graciés ! Des condamnés à mort qui ont échappé à la sentence fatidique. Pas seulement des rescapés, mais des ressuscités. C’est cela, notre vie nouvelle, notre vie de tous les jours : une vie de ressuscités qui participent à la résurrection des autres. Amen.