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Messe du dimanche 21 juin 2020 – 12e dimanche du temps ordinaire
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Messe du dimanche 21 juin 2020 – 12e dimanche du temps ordinaire
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Voyage au pays de nos peurs
Vous attendez sans doute une parole pour mieux habiter ce que Jésus vient de nous dire. Alors, j’ai peur ! J’ai peur de vous décevoir. Plus encore : j’ai peur de trahir la Parole de Dieu. J’ai peur d’une erreur d’interprétation. Oui, j’ai peur. Je suis bourré de peurs…Pas vous ?
Peur des serpents ou peur de mourir. Peur qu’il arrive du mal à nos proches et peur de manquer. Peur de l’avenir, peur de l’inconnu ou des inconnus, peur des virus et peur de souffrir. De quoi avez-vous peur ?
Faire la liste de ses peurs, c’est sans doute le début de la sagesse. C’est ce qui permet de mieux se connaître et d’accueillir les réactions des autres avec davantage de miséricorde, car eux aussi sont bourrés de peurs.
N’ayons donc pas peur de nos peurs, mais regardons-les bien en face. C’est, me semble-t-il, ce que Jésus nous demande aujourd’hui, avec ce verbe « craindre », qui revient à 4 reprises dans son enseignement.
Alors, ne craignons pas de bien regarder nos peurs : ce qu’elles disent et ce qu’elles cachent ; ce qu’elles motivent et ce qu’elles bloquent en nous.
Oui, je vous invite à un voyage au pays de vos peurs !
* * *
La peur, c’est une réaction en grande partie inévitable. Face à une menace, cette émotion est difficile à contrôler ; elle est même utile pour éviter un danger potentiel.
Bien sûr, la peur a une part subjective. On a peur de ce qu’on ne connaît pas, on a peur de ce qu’on ne maîtrise pas. La peur dépend donc de nos expériences, mais aussi de notre culture. Ainsi, parce qu’ils sont chargés de toute une symbolique de mal, les serpents nous font peur alors que beaucoup d’entre eux sont inoffensifs.
La peur repose sur tout une part d’imaginaire, dans lequel se trouvent mélangés les monstres de notre enfance, l’instinct de survie et l’extrapolation de ce qui pourrait éventuellement se produire.
La peur nous fait alors souvent réagir de manière irrationnelle, en tous cas disproportionnée : une araignée qui court sur un mur, et vous voilà à crier comme si votre vie était en péril !
Vous voyez alors l’intérêt – et même la nécessité - de placer nos peurs dans la lumière de Dieu. Oui, il est important d’offrir nos peurs au Seigneur, avec tout ce qu’elles disent ou ne disent pas. Plus important encore d’écouter le Christ quand il nous dit : « ne craignez pas » et « craignez plutôt ».
* * *
D’abord : « Ne craignez pas les hommes » : qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? Bien sûr, cette parole résonne de manière particulière dans des contextes de persécution. Nul doute que cet appel du Christ a permis à des chrétiens de rester fidèles à la foi, même au prix de leur vie.
Mais pour nous, aujourd’hui, cet impératif doit sans doute se vivre autrement. Ça pourrait bien être, par exemple, un appel à ne pas avoir peur du regard des autres ; cette peur paralysante qui révèle une vie égocentrée, ou en tous cas un cœur tourné plus vers le monde que vers Dieu.
Je vous invite alors à reprendre le début de la lettre aux Galates, là où saint Paul a ces paroles très fortes : « Est-ce par des hommes ou par Dieu que je veux me faire approuver ? (…) Si j’en étais encore à plaire à des hommes, je ne serais pas serviteur du Christ » (Galates 1,10). On reconnaît bien là le zèle de l’Apôtre, son caractère entier, qui interroge nos cœurs parfois partagés : nous ne servons pas le Christ si nous cherchons à plaire aux autres plus qu’à Dieu.
Avant de prendre une décision, un vrai chrétien ne devrait donc pas se demander : « qu’est-ce que les autres vont penser de moi ? » Mais : « qu’est-ce que le Seigneur veut de moi ? Est-ce que tel choix est en cohérence avec l’Évangile ? Est-ce que tel acte me met en parfait accord avec ma conscience, là où l’Esprit Saint m’éclaire et me guide ?[1] »
Si vous sentez en vous une difficulté à vous libérer du regard des autres, lâchez-la aujourd’hui au pied de la croix, sur l’Autel de l’offrande du Christ, pour qu’il saisisse votre bonne volonté. Nul doute qu’une grâce vous sera alors donnée pour vous affermir dans la fidélité au Seigneur et vous libérer de la tentation d’être approuvé par tous.
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Dans la bouche de Jésus, un deuxième impératif vient ensuite préciser le premier. « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme. » Comme je vous le disais, cette parole résonne certainement très fort en temps de persécutions. Mais pour nous aujourd’hui, elle vient nous redire aussi l’importance du soin à apporter à notre âme.
Bien sûr, le corps doit être soigné, il doit être écouté et respecté. Mais l’attention au corps peut être excessive, en tous cas disproportionnée par rapport à l’attention à l’âme. Même en notre sanctuaire de conversion, les demandes de prières qu’on reçoit sont bien plus souvent pour une guérison physique que pour une guérison de l’âme, alors que ce lieu a été voulu par la Vierge Marie pour la conversion des pécheurs.
Voilà qui nous interroge : la finalité de notre vie n’est pas de mourir en bonne santé, mais de ne pas mourir éternellement. Le grand enjeu est donc celui de notre âme, celui du salut éternel. Alors, si Jésus nous dit : « ne craignez pas », c’est pour nous appeler à une réorientation de nos priorités. Rien ne devrait jamais l’emporter sur le souci du salut éternel : le nôtre et celui des autres.
* * *
Mais cette nécessité ne doit pas se vivre fébrilement, dans une tension qui étoufferait la vraie joie. Voilà donc Jésus qui dit ensuite : « soyez sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux ». Loin de minimiser la valeur de ces petits passereaux, cette révélation nous dit le prix que nous avons aux yeux de Dieu.
Oui, « Soyez sans crainte », car s’il y a bien Quelqu’un pour qui vous avez une valeur infinie, c’est Dieu. Par conséquent, même si vous-mêmes ne pensez pas toujours à votre salut éternel, Lui fait tout concourir à ce que vous viviez éternellement. La deuxième lettre de saint Pierre l’exprime de manière forte : « Dieu n’accepte pas d’en laisser quelques-uns se perdre » (2 Pi 3,9).
Par conséquent, si notre salut et celui des autres reposait sur nos seules forces, nous aurions bien de quoi nous inquiéter. Mais en prenant conscience que le désir d’éternité est le grand désir de Dieu, alors nos peurs s’envolent et nous trouvons la paix, la seule paix véritable !
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C’est donc entendu : ces trois appels à ne pas avoir peur nous donnent une solidité formidable. Ils permettent d’évacuer tout cet imaginaire spirituel mal ajusté, qui fait parfois croire que tout dépend de nous. Non, dit le Seigneur : « arrêtez d’avoir peur, c’est Moi qui m’occupe de tout ! » De notre côté, il suffit juste de vouloir lutter contre la peur du regard des autres et les craintes pour notre corps.
Ainsi libérés de ces peurs, nous voilà plus disponibles et plus forts pour affronter la seule crainte qui ne doit jamais nous lâcher : « craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps ». Jésus parle ici de Satan, bien entendu. Voilà celui que nous devons craindre. Avoir peur de lui être complice nous fortifie dans le bien et nous convainc de ne jamais suivre ses suggestions mortifères. Nous devons craindre d’offrir une nouvelle victoire à Celui qui a été pleinement vaincu par le Christ. Nous devons craindre les conséquences éternelles, si nous écoutons le démon plus que le Sauveur. Voilà le seul domaine où la peur mérite d’être entretenue, pour nous rendre vigilants à chaque instant.
* * *
Au final, l’évangile de ce jour est une magnifique bonne nouvelle : le Seigneur nous aime trop pour nous laisser ronger par nos peurs. Écoutez donc aujourd’hui ce grand appel que nous faisait chanter le psaume 68 : « Vie et joie à vous qui cherchez Dieu ». Non pas, « crainte et tremblement », mais « vie et joie ». Amen.
Ce 12e dimanche du temps ordinaire marque l’entrée dans la saison estivale. Le printemps est terminé. Il avait commencé 3 jours après le début du confinement. Un printemps étrange cette année ! Espérons que l’été soit plus tranquille. Je vous souhaite en tous cas une belle saison estivale, de rencontres et de repos, si possible.
Aujourd’hui, c’est aussi la fête des pères. Par l’intercession de saint Joseph, apparu ici à Benoîte, je souhaite une bonne fête à tous les papas et je vous invite, au cours de cette messe, à présenter à l’Autel votre relation à votre père, qu’il soit décédé ou encore sur cette terre ; offrez aujourd’hui au Père éternel ce vécu avec votre père.
[1] Sans doute, tout cela est plus facile à dire qu’à mettre en œuvre dans le concret d’une situation où nous craignons ce que les autres vont penser de nous. Même la courageuse Benoîte eut ici à lutter contre cette tentation. Ainsi, après 23 ans d’apparitions qui n’ont visiblement pas suffi à évacuer cette peur du cœur de la bergère, les Manuscrits du Laus nous disent : « Benoîte voit sur la croix du chemin d’Avançon son bon ange, qui lui parle de plusieurs choses pour la conversion des pécheurs, et lui dit d’avertir un prêtre de son commerce avec une fille, du temps et du nombre de ses péchés, ainsi que de toutes leurs mauvaises actions criminelles. Mais Benoîte n’ose pas le faire, par crainte ou par timidité. » Il faudra que la bergère continue à être visitée, il faudra qu’elle vive aussi des expériences de renoncement à elle-même, qu’elle traverse des humiliations et qu’elle prie davantage encore, pour se libérer progressivement de ce souci du regard des autres.