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L'actu du Laus (détail de l'article)
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Vitesse limitée à 80 km/h !
Frères et sœurs, j’espère que vous être heureux d’être ici et de fêter ensemble la croix de Jérusalem, le sanctuaire de Pibrac, les merveilles du Laus ! Heureux de célébrer par cette messe le sommet du pèlerinage des motards ! Tout cela est vraiment très beau… et pourtant…est-il possible que vous l’ayez oublié ?
Pardon de prendre le risque de casser l’ambiance de ce jour festif, mais je me dois de le rappeler : nous sommes le 1er juillet. C’est-à-dire qu’aujourd’hui-même entrent en vigueur les nouvelles réglementations du code de la route ! Finis les 90 km/h sur nationale, bienvenue aux 80 km/h !
Depuis des mois, ça fait débat. On s’évertue à prouver d’un côté que réduire la vitesse fait baisser le nombre d’accidents et l’on invoque les bienfaits pour l’environnement. De l’autre côté, on a affuté des arguments opposés. Une énergie folle déployée pour 10 petits kilomètres par heure ! C’est-à-dire qu’un trajet qui prenait une heure à 90 km/h prendra désormais 1 heure et 8 minutes ; ce qui, rapporté à un trajet effectif moyen – car on roule rarement à 90 km/h sur une heure entière – représente une perte moyenne de 3 minutes et 14 secondes.
Ce n’est pas rien diront certains. Mais, jusqu’à présent, vous les consacriez à quoi, ces 3 minutes et 14 secondes en plus ? On veut aller plus vite, mais sait-on vraiment pourquoi ? Un pèlerinage est alors l’occasion d’aller plus loin que les seules commodités de la vie pour s’interroger sur le sens de cette vie. À quoi bon rouler à 90 km/h ou davantage si l’on ne sait pas où mène notre existence ?
Il se pourrait même bien qu’on veuille aller toujours plus vite pour éviter de se poser les questions les plus essentielles ou pour oublier peut-être que la vie sur terre est nécessairement limitée : qu’on roule à 80 ou à 90 km/h, la véritable limite de l’existence, c’est qu’elle ne dure sur terre que quelques trop courtes années !
Alors, nous voici rassemblés en ce sanctuaire où la Vierge Marie n’a pas joué la carte de la vitesse. Elle a pris son temps, 54 années, pour rencontrer Benoîte et l’aider à accomplir sa mission. Nous sommes donc dans un lieu privilégié pour nous demander après quoi nous courons dans la vie et plus encore : quelle est notre destination finale ?
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Magnifique réponse dans la première lecture de ce dimanche : du côté de Dieu, il est hors de question qu’il puisse y avoir une limite, non pas à la vitesse mais à la vie. « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent », dit le livre de la Sagesse.
Dans l’évangile, cette promesse devient réalité : Jésus ne laissera pas la fille du chef de la synagogue être emportée par la mort : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » Cette enfant reçoit par avance un témoignage de la puissance de vie qui jaillira de l’offrande de Jésus sur la croix. Cette croix que nous avons célébrée au début de la messe et qui unit nos sanctuaires de Pibrac et du Laus, c’est le grand signe de la victoire de la vie sur la mort !
Des croix, on en voit au bord des routes, en ces lieux dramatiques où automobilistes et motards ont perdu la vie. Elles rappellent que quelqu’un est mort à cet endroit. Mais à nous, disciples du Crucifié-Ressuscité, il revient de témoigner surtout que la croix est signe de vie, signe de la victoire de l’amour divin devant lequel même la mort a dû s’incliner !
Ainsi, c’est la vie qui perdu sa limite. Elle était limitée jusque-là à « 80 pour les plus vigoureux » dit un psaume (cf. Ps 89,10). Ce n’était déjà pas si mal, et si quelques uns poussent la limite jusqu’à 90, voire un peu davantage, pour d’autres ce ne sont même pas quelques décennies. Elle était là, la terrible limite, motivant une légitime protestation : pourquoi cette limite à 80 ou 90 ans, alors que nous nous sentons tellement faits pour la vie ?
Au cœur de l’homme, il y a donc le désir de ne pas être contraint par des limites ; non pas les limites de 80 ou 90 km/h sur nationale, ça n’est finalement pas très important ! C’est la limite des 80 ou 90 ans de vie sur terre – ou à peine plus - qui était vraiment inadmissible.
Et voilà Jésus, donnant sa vie sur la croix, sortant vivant du tombeau pour qu’il n’y ait plus de limite à la durée de notre vie, mais qu’elle se déploie en surabondance éternelle !
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Ne désirons donc pas seulement quelques aménagements du code de la route offrant un semblant de liberté ! Désirons le Ciel, là il n’y a plus ni accident, ni deuil, ni sortie de route ; là où - c’est promis - il n’y a ni radar, ni limitation à la vitesse de diffusion de l’amour !
Désirons alors le Ciel comme Benoîte sût y encourager les pèlerins qu’elle rencontrait ici-même. Par exemple, à une jeune femme s’obstinant dans son péché, la bergère dit « qu’il faut penser à l’éternité qui ne finira jamais, et qui se termine par le paradis ou par l’enfer » (CA G. p. 108 II [154] – année 1680).
Les manuscrits du Laus exhortent encore : « C’est à l’éternité qu’il faut continuellement penser et pour laquelle il faut aussi faire de bonnes œuvres, qui sont comme la monnaie qui fera entrer au séjour de la gloire » (CA G. p. 74 II [120] – année 1672). Il s’agit là de la monnaie de la charité, dont saint Paul nous a parlé dans la 2e lecture ! Non pas comme si l’on devrait s’acquitter d’un montant nécessaire pour pouvoir passer au péage de la fin de la vie ; Plutôt comme un témoignage que cette puissance de vie qui nous habite, ce désir de vie qui nous dépasse, nous ne pouvons l’enfermer dans l’égoïsme d’une existence auto-centrée.
Et là, du côté de la charité, ne soyez pas inquiet : aucune limite ne sera jamais fixée par aucun code ! Alors, allez-y à fond - à 80 ou 90, et davantage encore - allez-y à fond du côté de la charité, de l’amour partagé, de la générosité ! Pas de limitation de vitesse à la charité… et c’est ainsi qu’on fonce plein pot jusqu’au Ciel !
Amen.