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Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ
Dimanche 14 juin 2020 – Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Pour résumer ce que rien ne peut contenir
La fête de ce jour porte un nom précis. Un nom un peu trop long, peut-être, pour avoir pu supplanter l’ancienne dénomination. Nous célébrons aujourd’hui la « solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ », mais on continue à l’appeler : « la Fête-Dieu ». Un nom étonnant : une fête qui porte le nom de Dieu ! Comme si, dans cette célébration, se trouvait rassemblé tout le mystère divin, qui pourtant nous dépasse infiniment.
Cette fête nous est ainsi donnée après les célébrations pascales, après l’Ascension et la Pentecôte, après le dimanche de la Sainte Trinité. Pendant des semaines, nous avons contemplé le mystère divin à la lumière de la victoire pascale. Et aujourd’hui, c’est comme si toute cette contemplation étalée sur des semaines se trouvait focalisée dans la célébration d’un seul mystère : l’Eucharistie.
Oui, dans la fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ se trouve condensé de manière fulgurante tout ce que Dieu veut nous dire, nous donner et nous promettre. Cette fête garde donc bien toute sa légitimité de « Fête-Dieu », car en contemplant le mystère de l’Eucharistie, nous espérons Dieu, nous goûtons Dieu, nous comprenons Dieu !
Si le Seigneur vous semble difficile à saisir, ne Le cherchez pas ailleurs que dans l’Eucharistie. N’attendez pas d’autre appel divin que celui-ci : « mangez-moi et vous vivrez ! » N’espérez pas d’autre remède dans la vie que celui-ci : Dieu qui vient reposer en nous pour nous guérir du mal et nous fortifier dans le bien.
La messe n’est pas un spectacle intéressant ou ennuyeux. La messe n’est ni une tradition à respecter, ni une simple obligation morale. La messe n’est certainement pas focalisée sur la question de la communion à la bouche ou dans la main. Voyons plus large, plus profond, plus amoureusement ! La messe, c’est le lieu où Dieu donne tout, au point que chaque messe pourrait être appelée « Fête-Dieu » : Dieu que l’on fête et Dieu qui nous comble ; Dieu vraiment là et Dieu qui porte tout. « Fête-Dieu ».
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Après des mois de privation de communion, la Fête-Dieu de cette année revêt alors une dimension toute particulière. Elle est l’occasion pour nous d’un immense cri d’émerveillement ! C’est si grand, l’Eucharistie ! C’est si beau, si désirable, si nécessaire !
Or, c’est souvent quand on n’a plus quelque chose qu’on se rend davantage compte de la valeur que ça avait pour nous. Ainsi, pendant des semaines de confinement, vous avez pu creuser votre faim de communier substantiellement. Pendant des semaines aussi, s’est vécue une communion spirituelle profonde avec le Christ qui vous rejoignait chez vous, comme avec tous les chrétiens empêchés de communier en raison du confinement ou de leur situation personnelle ou de persécutions ou d’absence de prêtres.
Si la pandémie du Coronavirus a bouleversé le monde, elle a aussi pu bouleverser notre rapport à l’Eucharistie, et je crois qu’elle l’a fait en bien : elle nous a fait redécouvrir que communier n’est pas automatique. Elle vous a réappris, peut-être, à avoir faim de Dieu. Elle nous a aussi rappelé la finalité de l’Eucharistie : non pas seulement communier au Corps de Jésus, mais communier entre nous pour former son Corps : « devenez ce que vous recevez ».
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Pendant des semaines, nous avons été bien secoués dans notre pratique eucharistique ! Mais qu’allons-nous en faire maintenant ? Revenir à une participation habituelle, en reprenant nos marques et rien de plus ? Ou entretenir la mémoire de ce qui a manqué, de ce qui a émergé, de ce qui s’est renouvelé au cours de ces mois de privation ?
Je vous invite à vous garder de la tentation de retrouver bien vite de petites habitudes qui ne dérangent plus. Car si le Seigneur a voulu l’Eucharistie, c’est certainement pour nous déranger sans cesse ! Nous déranger de manière salutaire et nécessaire !
Actuellement, ce dérangement se fait par le port de masques, les obligations sanitaires comme la communion à la main, ou les distanciations physiques qui expriment si mal notre réalité fraternelle. Tout cela n’est franchement pas agréable, mais ça nous interroge : pourquoi sommes-nous quand même là ? On pourrait rester chez soi, tranquille, sans contraintes, sans règles sanitaires. On pourrait même continuer à suivre la messe par écran interposé, c’est assez confortable. Alors, pourquoi faut-il se déranger, se déplacer, pour célébrer réellement le mystère de l’Eucharistie ?
Pourquoi, sinon parce que ce sacrement, c’est le grand dérangement permanent de Dieu dans nos vies. À chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous sommes bousculés : le « moi je » qui prend souvent de la place en nous est rejoint par le tout Autre. Les préoccupations parfois mondaines ou éphémères sont renversées par la présence de « l’Infini » qui vient reposer en nous. La tentation du repli sur soi vole en éclat devant ce mystère qui nous unit les uns aux autres, car le même sang du Christ vient couler dans nos veines.
Clairement, si l’Eucharistie ne nous bouscule pas, c’est que nous refusons d’entrer vraiment dans son mystère. La nourriture eucharistique nous est nécessaire, mais pas pour nous confiner dans une vie spirituelle maîtrisable et confortable. L’Eucharistie nous bouscule et nous conduit toujours plus loin. L’Eucharistie nous déplace et nous unit toujours plus fort.
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Mais quand Dieu nous bouscule, ce n’est pas pour nous faire du mal, jamais. Quand Dieu nous bouscule, c’est pour nous rendre davantage vivants ! Quand le Seigneur nous bouscule, c’est pour que nous trouvions la vraie paix, la paix en Lui, et non la petite paix de nos habitudes personnelles.
De cela, nous avons un magnifique témoignage dans l’histoire du Laus. C’était justement lors d’une Fête-Dieu, à la cathédrale d’Embrun, en juin 1669. Benoîte s’était rendue dans la cité épiscopale pour un long interrogatoire. Après 5 années d’apparitions, les autorités ecclésiastiques voulaient en vérifier la véracité. Durant l’interrogatoire, la bergère fut bien sûr intimidée, mais elle resta ferme dans ses propos. Bousculée par les enquêteurs, elle trouva sa force en un événement qui eut donc lieu à la Fête-Dieu.
Pendant que l’orgue retentissait d’une musique solennelle adaptée à la solennité du jour, la Vierge Marie apparut à la bergère, habillée en reine. Or, je me plais à croire que si la Vierge Marie s’est ainsi manifestée ce jour-là, c’était pour offrir à Benoîte un enseignement sur l’Eucharistie.
En effet, jamais la Vierge Marie n’apparaît pour elle-même ; elle se manifeste toujours pour que nos yeux se tournent vers son Fils. Alors, si elle est apparue à Benoîte le jour de la Fête-Dieu, c’était assurément pour que la bergère du Laus tourne les yeux non pas tant vers la splendeur de Marie qu’elle contempla alors, que vers le mystère célébré ce jour-là comme aujourd’hui : le mystère de l’Eucharistie.
Dès que la liturgie a commencé, la bergère a vu la Vierge Marie éclatante de splendeur. Comme si la Vierge voulait montrer à Benoîte l’éclat d’une vie toute remplie du Christ. Oui, comme Marie, quand nous communions, nous sommes éclatants de la splendeur divine parce que le Christ vient demeurer en nous. Nous devenons des Tabernacles vivants, des porteurs de Dieu !
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Alors, frères et sœurs, en cette Fête-Dieu, la grâce nous est offerte, par cette messe et par la procession qui suivra, de redécouvrir ce mystère grandiose qui nous habite et nous rejoint.
Laissez-vous bousculer par ce mystère si grand qu’on ne peut dire, en communiant, qu’un « amen » plein de confiance. Ce mot, « amen », vient de l’hébreu « aman », le rocher. En disant « amen » pour recevoir l’Eucharistie, nous reconnaissons que nous avons là notre solidité ; la seule, la vraie, l’incomparable solidité, celle qui durera pour toujours. Parce que là, dans nos mains, dans nos bouches, dans son corps, nous avons Dieu ! Et notre communion devient, à chaque fois, une grande Fête-Dieu ! Amen.
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