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Solennité de la Sainte Trinité
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Dimanche 7 juin 2020 - Solennité de la Sainte Trinité
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Trinité que j’adore !
C’est quand même très touchant ! En tous cas, moi ça me bouleverse de penser que la même formulation circule dans l’Église depuis au moins 1965 ans ! La 2e lettre aux Corinthiens, qui date de l’an 55 après Jésus-Christ et que nous entendions en 2e lecture, rapporte en effet cette expression : « La grâce de Jésus-Christ notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père, et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ». Or, cette même expression introduit, aujourd’hui encore, nos liturgies eucharistiques. Quelle belle fidélité dans la foi !
Cette salutation trinitaire n’est donc pas le fruit d’une construction théologique tardive, mais d’une expression de foi primitive : le Père, le Fils et le Saint Esprit salués en une seule formule. Aucun doute n’est alors possible : dès les débuts, les chrétiens confessent un seul Dieu en trois Personnes.
Depuis la Pentecôte qui a ouvert les Apôtres à la vérité tout entière, on célèbre ainsi la Trinité comme une confession, et non comme une énigme. À la suite des premiers disciples, nous sommes donc appelés à goûter le mystère trinitaire non comme une théorie, mais comme une expérience : rencontrer Jésus-Christ, découvrir en Lui le Fils éternel du Père, et accueillir l’Esprit Saint, qui reçoit même adoration et même gloire que le Père et le Fils.
Oui, la Trinité est une expérience spirituelle de rencontre dans la foi, conduisant à une heureuse confession : je crois au Père, au Fils et au Saint Esprit, un seul Dieu en trois Personnes. Il est important de toujours voir ainsi le mystère que nous célébrons aujourd’hui : un émerveillement devant Dieu qui se dit et qui se donne. C’est cela, notre confession de foi trinitaire, et non une énigme compliquée qui nous casse la tête.
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Or, il me semble que, de nos jours, l’énigme l’emporte souvent sur la confession de foi, sans doute parce qu’on est à une époque où l’on veut tout maîtriser, avec l’orgueil d’une mainmise sur toute la réalité, fut-elle transcendante. Ces derniers mois ont eu beau nous montrer que nous maîtrisons bien peu de choses dans nos vies personnelles et dans la marche du monde, rien n’y fait : l’être humain veut toujours mettre la main sur la réalité.
Même en confessant cette réalité infiniment plus grande que lui, il veut en faire le tour, la rendre acceptable, maîtrisable. C’est ainsi que, parmi les chrétiens, on en entend qui se dispensent des formulations trinitaires, les jugeant trop compliquées, trop obscures. Dans ma précédente paroisse, j’ai entendu une catéchiste dire un jour : « moi, aux enfants, je ne leur parle pas de Dieu, mais seulement de Jésus ». Est-il donc possible d’être chrétien sans confesser l’égale divinité du Père, du Fils et du Saint Esprit ?
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Ah, un seul Dieu en trois Personnes…. il est vrai que cette confession ne rejoint aucune autre expérience de l’existence. Dans la vie, on peut être uni à quelqu’un, mais jamais lui être consubstantiel en n’étant plus qu’un avec lui. Dans notre expérience concrète, unir deux ou trois personnes, ça n’en fait jamais une seule.
De fait, si l’on pense la Sainte Trinité comme une simple association de personnes qui s’entendent bien, c’est l’impasse assurée. Parce qu’on pense alors en terme de somme, et notre logique bute sur la réalité que : 1 + 1 + 1 n’est jamais égal à 1. Or, en Dieu qui est Tout, rien ne s’ajoute. Mais en Dieu qui est puissance d’Amour, tout se multiplie. 1 x 1 x 1, ce qui - d’après mes souvenirs d’algèbre - est bien égal à 1. Un seul Dieu en trois Personnes : la Trinité n’est pas une addition de personnes proches, mais une multiplication d’Amour au sein du mystère de Dieu.
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Ce dimanche nous est alors offert pour méditer la beauté de cette multiplication d’Amour, à partir de cette grande vérité, préparée au long des siècles et totalement révélée en Jésus-Christ : « Dieu est Amour » (1 Jn 4,8). Si vous ne croyez pas que Dieu est Amour, la Trinité restera toujours pour vous une énigme insoluble, en tous cas jusqu’au jour de la vision béatifique au paradis. Mais si vous croyez que Dieu est Amour comme il nous l’a Lui-même révélé, alors entrez sans hésiter la contemplation d’un si grand mystère.
Si c’est l’Amour qui définit l’être-même de Dieu, ça veut dire que Dieu n’a bien sûr jamais cessé d’aimer, mais aussi qu’Il n’a jamais commencé un jour à aimer. Je veux dire par-là que si Dieu est Amour, il l’est de toute éternité. Donc Dieu aimait avant même de créer qui que ce soit. Avant de faire venir à l’existence les êtres angéliques et les êtres humains capables de l’aimer en se sentant aimer de Lui, Dieu était déjà Amour. Donc Dieu aimait avant de créer.
Mais alors, la question se pose : qui aimait-Il avant d’avoir des créatures à aimer ? Puisqu’il n’y avait personne à aimer hors de Lui, nécessairement, Dieu aimait « en Lui ». La révélation de Dieu Amour induit un Dieu qui aime en Lui-même.
Or, si cet amour « en Lui » était amour « de Lui », Dieu serait l’Amour éternel fermé sur soi… ce qui n’est plus de l’amour ! Pour aimer, il faut quelqu’un qui aime et quelqu’un à aimer. Si Dieu est Amour, nécessairement, l’Amour circule en Lui, c’est-à-dire qu’il se donne et se reçoit éternellement.
Par conséquent, si vous confessez que Dieu est Amour, vous devez confesser que Dieu a en Lui Quelqu’un à aimer : en Lui, une Personne aime une Autre, et l’Autre L’aime pareillement de toute éternité. Ainsi, on peut déjà concevoir deux Personnes divines échangeant leur amour de toute éternité : le Père et le Fils.
Mais cet amour qu’ils s’échangent n’est pas non plus hors d’eux-mêmes. En Dieu, le lien d’amour ne peut pas être extérieur à Lui-même puisque rien ne Lui était extérieur avant la création du monde. Par conséquent, le lien du Père au Fils et du Fils au Père est nécessairement autre que le Père et le Fils, tout en étant Lui-même en Dieu. Donc, tout en étant Lui-même Dieu. D’où la confession d’une 3e Personne de la Sainte Trinité, qui fait le lien d’amour entre les deux autres. C’est l’Esprit Saint.
Ainsi, en confessant que Dieu est Amour, nous confessons nécessairement le mystère trinitaire !
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Voilà : j’espère ne pas vous avoir perdus avec cette méditation théologique, que j’estimais nécessaire pour que notre foi se nourrisse du mystère révélé : Jésus-Christ s’est présenté comme le Fils du Père, et il a promis l’envoi de l’Esprit-Saint. Il nous a révélé la Trinité comme mystère d’amour. Nous pouvons donc méditer l’intelligibilité de ce mystère. Le méditer non pour espérer maîtriser l’immaîtrisable ; mais le méditer pour entrer toujours plus dans son grand mouvement qui nous fait vivre !
Car c’est bien cela, le désir de Dieu : s’il nous révèle son mystère trinitaire, c’est pour nous faire partager sa Vie ! C’est d’ailleurs bien toujours ce que l’on veut quand on aime vraiment : partager ce que l’on est. Ainsi, Dieu veut nous faire vivre de son grand mouvement d’amour qui jaillit de Lui de toute éternité et qui retourne à Lui pour l’éternité ! Nous avons été créés par et pour ce grand mouvement ; nous sommes appelés à nous y épanouir éternellement.
Ainsi, entre notre création originelle et notre épanouissement éternel auprès du Père, par le Fils, dans l’Esprit, nous sommes appelés à vivre, dans le concret du quotidien, ce grand mouvement sans lequel nous ne serions pas. C’est d’ailleurs la raison d’être de notre présence ici : nous laisser saisir par ce mystère d’intensité d’Amour qui se vit au sein de la Trinité, et qui nous rejoint sans cesse pour nous conduire à Lui.
C’est là que nous trouvons l’élan de notre vie et la joie véritable. C’est là que nous puisons le goût de nous donner et que nous recevons le salut éternel. C’est encore ce mouvement-là qui nous relie les aux autres et qui donne du sens à notre petite existence sur cette petite Terre.
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Méditer le mystère de la Sainte Trinité, c’est donc se demander si l’on en vit vraiment. Je vous encourage alors à vous poser aujourd’hui la question : ma vie de prière, mes choix, mes désirs sont-ils saisis par ce grand mouvement d’amour trinitaire ? Mes projets, mes amours, ma santé sont-ils éclairés par ce mystère de la Trinité ?
Concrètement, pour que cette circulation d’amour passe sans cesse de la Sainte Trinité jusqu’à nous, il y a une clé essentielle : prier le Père, le Fils et le Saint Esprit. Souvent, nos prières sont orientées plutôt vers l’une ou l’autre des Trois Personnes divines. Bien sûr, quand on prie l’Une, on Les embrasse toutes les trois. Mais prendre le temps de se tourner vers le Père, puis vers le Fils, puis vers le Saint Esprit apporte une fécondité sublime à notre prière et à toute notre vie.
Je vous souhaite alors de revisiter cette semaine votre vie spirituelle, pour y accueillir vraiment la présence du Père, du Fils et du Saint Esprit comme Lui-même, Dieu unique et Trinité nous accueille sans cesse : « la grâce de Jésus-Christ notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père, et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ». Amen.