Actualités
L'actu du Laus (détail de l'article)
Pour être tenu informé des publications d'articles,
Les 4 mouvements de l'acte de foi
Qu’est-ce qui a bien pu motiver Simon-Pierre pour qu’après avoir fini sa nuit de pêche et lavé ses filets, il obéisse à un charpentier pour retourner dans sa barque et recommencer à travailler ? Quand on connaît son caractère assez bourru, on peut s’étonner qu’il ne résiste pas à la demande de Jésus. Tout au plus ose-t-il un simple constat : « nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre », tout de suite renversé par une promesse : « mais sur ta parole, je vais jeter les filets ». Qu’est-ce a donc pu se passer en Simon pour qu’il ose poser un tel acte de foi ?
*****
Pour le comprendre, revenons en arrière. Alors que la pêche miraculeuse est au 5e chapitre de saint Luc, on rencontre déjà Simon au 4e chapitre, verset 38 : « Jésus quitta la synagogue et entra dans la maison de Simon. Or, la belle-mère de Simon était oppressée par une forte fièvre. » C’était la première mention de cet homme, la seule avant l’épisode de la pêche. Cette première rencontre a lieu chez lui ; le Seigneur y est venu pour guérir sa belle-mère.
Aujourd’hui, sur le bord du lac, nous avons donc la deuxième mention de Simon-Pierre. Cette fois-ci, ce n’est plus dans sa maison qu’il accueille Jésus, mais sur son lieu de travail. Non plus pour une guérison, mais pour que Jésus parle à la foule. Nous repérons alors ce qui a disposé Simon à obéir au Christ : dans les deux cas, il a accueilli Jésus. Dans les deux cas, il a été témoin de l’autorité messianique du Christ : par une guérison totale et par un enseignement puissant.
Ainsi pour nous : notre vie spirituelle est appelée à se modeler sur celle de Simon, avec 4 grands mouvements que cette pêche miraculeuse met en évidence pour stimuler notre foi. Je vous propose de le repérer plus clairement pour qu’ils puissent nous habiter au cours de cette semaine.
*****
Premier mouvement : accueillir le Christ. C’est-à-dire lui souhaiter la bienvenue dans notre demeure ou dans notre barque ; entendez bien sûr : dans notre intériorité. C’est la première étape de l’acte de foi : Jésus est-il le bienvenu chez vous ? Lui laissez-vous vraiment de la place ?
Ça n’est pas si simple, à notre époque où l’on ne sait plus beaucoup faire silence par exemple, où l’on ne sait plus vivre un moment sans l’occuper par des consultations de messageries ou d’applications numériques. Jésus a-t-il seulement un peu de place pour être accueilli ?
Venir célébrer un dimanche dans un sanctuaire marial - surtout dans un lieu à l’écart comme le Laus – c’est alors nécessairement interroger notre disponibilité intérieure : quelle place laissez-vous vraiment à Jésus dans une journée ? C’est le préalable à toute vie spirituelle : laisser de la place au Seigneur dans notre maison ou dans notre barque, c’est-à-dire à domicile ou au travail.
*****
Une fois que vous avez accueilli Jésus chez vous, continuez à faire comme Simon-Pierre pour entrer dans le 2e mouvement de la foi. Simon laisse le Seigneur agir auprès de sa belle-mère malade et il écoute Jésus avec la foule au bord du lac. Laisser agir et écouter : une posture qui n’est pas inactive, mais qui n’est pas non plus dans l’agitation.
Ce n’est pas nous qui faisons, c’est le Christ. Il est l’acteur principal de nos vies. Saint Paul dira : « ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ». Le Christ n’est pas spectateur de nos vies pour nous applaudir, nous contrôler ou nous réprimander. Il en est l’acteur principal : c’est Lui qui nous parle au plus intime et qui agit en nous avec toute sa puissance, par l’Esprit Saint.
Avoir la foi, c’est donc dire sans cesse au Seigneur : parle et agis en moi ! Je te laisse les commandes. Oui, vraiment, je te laisse les commandes ! La communion eucharistique est alors un moment privilégié pour le faire. Si vous communiez tout à l’heure, je vous encourage à accompagner votre « amen » d’un sincère : « Seigneur, parle et agis en moi, je suis prêt ».
*****
Prêt et disposé à entrer dans le 3e mouvement de la foi, qui, lui, est actif. Parce qu’il a accordé de la place à Jésus et parce qu’il l’a laissé agir, Simon peut ensuite répondre par son engagement personnel.
Pourtant, il sort à peine d’une nuit complète de pêche infructueuse. Repartir au travail pourrait lui sembler trop épuisant ou inutile ! Les filets ont été soigneusement nettoyés. Les sortir à nouveau, les salir une fois de plus, ça aurait pu rebuter le pêcheur.
Mais quand le Christ demande quelque chose, en rester à notre confort personnel sans accepter l’effort, c’est manquer l’occasion d’une expérience de surabondance. Quelque chose de bien plus grand qu’une vie tranquille attend celui qui obéit au Christ. La surabondance ou la tranquillité ; ce pourrait bien être le choix fondamental du croyant.
Parce qu’il n’a pas refusé l’offrande de sa tranquillité, cet acte de sortie de lui-même a permis à Simon de laisser la puissance du Christ offrir une pêche miraculeuse. Parce que le pêcheur fait l’offrande de son petit effort, il ouvre les vannes de la surabondance divine. Voilà l’alliance entre Dieu et nous, l’aventure sublime qu’il nous propose chaque jour ! Cette expérience, tout le monde peut la faire : quand au lieu de râler parce qu’il faut ressortir des filets bien rangés, on ose une petite offrande pour le Seigneur, alors sa grâce peut se déployer !
Nos filets bien rangés au sec ne permettent pas le déploiement de la grâce. Il faut oser les lancer, et les lancer au large, c’est-à-dire là où l’on n’a pas pieds : « avance au large ! » C’est lorsqu’on n’a plus pieds que la grâce peut agir vraiment. C’est quand on ne peut plus maîtriser les choses qu’on s’en remet totalement au Maître de tout.
*****
Oui, quand on ne maîtrise plus rien, le Sauveur peut manifester sa puissance et nous faire entrer dans le 4e mouvement de la foi. C’est la manière dont Simon réagit à l’événement de grâce auquel il participe : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Comme un écho au cri d’Isaïe dans la première lecture : « Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures ».
Devant la majesté de Dieu, notre condition de pécheurs nous effraie. Elle nous fait prendre fondamentalement conscience que nous sommes séparés de Lui parce qu’il n’a rien à voir avec le Mal, alors que nous, c’est une autre paire de manches ! Il est sain de ressentir cette coupure-là. C’est nécessaire pour une véritable conversion : percevoir d’abord la distance qui nous sépare de la sainteté de Dieu. Et la déplorer, cette distance, comme Benoîte pleurant souvent ici-même sur les pécheurs pour qu’ils s’ouvrent à la miséricorde : car, dans le Christ, cette distance incommensurable entre le Dieu saint et l’homme pécheur est abolie : « sois sans crainte », Simon. La sainteté de Dieu ne vient pas te noyer dans la barque de tes incohérences ; elle vient te sauver des eaux, comme Moïse dans les temps anciens !
Le 4e mouvement de la foi est donc la contemplation de la sainteté divine plus que l’apitoiement sur nos vies médiocres. Regardez les poissons, si nombreux que les filets de Simon sont prêts à se déchirer ! Alors, il comprend que sa propre sainteté n’est pas le résultat de ses actes méritoires, même s’il a fallu qu’il offre sa fatigue pour relancer les filets.
Il comprend que la sainteté, c’est quand nous laissons le Seigneur saisir notre modeste offrande pour l’habiter par sa puissance d’amour. Autrement dit : quand nous acceptons de nous dessaisir de nos vies, Dieu peut les saisir de Sa puissance de vie.
*****
Je vous encourage alors à garder bien à l’esprit ces 4 mouvements qui font un acte de foi authentiquement chrétien. Je vous les rappelle pour vous aider à vous en souvenir :
1er mouvement : accueillir vraiment Jésus ! Qu’il ne reste pas au seuil, mais qu’il soit le bienvenu chez nous.
2e mouvement : laisser Jésus parler et agir, laissez-lui les commandes de votre vie !
3e mouvement : sortez vos filets, c’est la petite offrande, le petit effort qui nous est demandé en lâchant nos paresses ou nos « à quoi bon ».
4e mouvement : contempler la sainteté de Dieu pour le laisser nous combler de ses bienfaits !
Ces 4 mouvements vécus par Simon-Pierre dans sa barque,n’est-ce pas ce que nous vivons aussi dans la liturgie de la messe ?
1er mouvement : accueillir le Seigneur. C’est la procession d’entrée, le rite pénitentiel et le gloria.
2e mouvement : le laisser parler et agir.C’est la Parole de Dieu et l’homélie.
3e mouvement : lui faire notre petite offrande.C’est le Credo, la prière universelle et l’offertoire.
4e mouvement : nous laisser saisir par sa sainteté.C’est le sanctus, toute la prière eucharistique et la communion.
Toute notre foi est donc bien résumée dans ces 4 mouvements, qui conduisent nécessairement, quel que soit notre âge, notre vocation ou notre santé, à faire comme les pécheurs une fois qu’ils ont ramené les barques sur le rivage : «laissant tout, ils le suivirent ». À nous de le faire, dès aujourd’hui : laissant tout, suivons le Christ !
Amen.