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Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur
Messe du dimanche 5 avril 2020 – Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur
Homélie du père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire
Jaillissement de vie !
Avec le confinement, nous sommes en grande partie freinés dans notre vie ordinaire. Mais la nature, elle, continue sa vie, comme si de rien n’était. Il y a d’abord eu les Forsythias. Dans les Hautes-Alpes, depuis plus de trois semaines, ils forment comme des bouquets de feu, d’un jaune éclatant. De couleur plus pastel, les cerisiers du Japon ont suivi le mouvement. Puis d’autres arbres fruitiers, avec leurs délicates fleurs blanches fragilisées par les récentes gelées. Et bientôt les lilas, seringats et tant d’autres. Une explosion de couleurs et de parfums… un jaillissement de vie !
Oui, dans les jardins, les champs, les alpages et les balcons, c’est l’heure du grand réveil ! Réveil qui aurait surpris quelqu’un n’ayant jamais connu de printemps. Car depuis plusieurs mois, ce que nos yeux voyaient, c’étaient comme des branches mortes. Sans beauté, sans utilité, sans couleur. Un impatient les auraient peut-être même coupées, ne percevant pas la vie dans ces branchages apparemment morts.
Et ainsi, chaque année, la nature nous rappelle que l’hiver n’a pas le dernier mot. Les arbres et les fleurs de printemps chantent la victoire de la vie, comme nous, tout à l’heure, avec nos rameaux et nos branchages verts : « Hosanna » ! On n’aurait jamais osé faire ce geste avec des branches mortes ; ça aurait été déplacé, et même lugubre. Non, c’est avec des rameaux verdoyants qu’on chante : « Hosanna ! »
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Hosanna, c’est un mot hébreu qui veut dire à l’origine : « de grâce, sauve » ! Un grand appel lancé au Dieu de la vie : « sauve donc, Seigneur ! » Un appel qui nous habite si fortement en ces jours d’inquiétudes : « Sauve donc, Seigneur ! »
Mais un glissement sémantique a eu lieu dans la Bible, sans doute parce que le psaume 118 d’où est tiré cet « hosanna » est suivi d’une exclamation : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Et ainsi, dans ce mouvement d’exultation, « Hosanna » a pris le sens d’un « Hourra » !
« Hourra, car les branches mortes n’en étaient pas ! » C’est ce que nous sommes appelés à proclamer sans cesse : « Hourra ! Dieu n’a pas fait la mort, il ne veut pas la mort, il est le Dieu de la vie ! »
Un croyant devrait toujours chanter la beauté de la vie. Il devrait tout faire pour que la vie l’emporte, en toute circonstance. Les rameaux tenus en mains sont donc en fait un engagement : dans toute notre vie, ne brandir que des rameaux verdoyants et jamais des branches mortes !
Que chacune de nos paroles soit un rameau fleuri offert aux autres, et jamais un bâton sec pour les blesser. Que tout ce que nous faisons - des choses les plus ordinaires aux actes les plus sublimes - soit un témoignage rendu à la vie ! « Hosanna ! » Hourra pour la vie !
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Mais le mystère de la foi que nous célébrons va plus loin encore. La liturgie de cette messe nous a fait passer en quelques minutes du « Hosanna » au « crucifie-le ». Les mêmes qui acclamaient le Christ en viennent ensuite à souhaiter sa mort… Que s’est-il donc passé entre ce dimanche d’entrée triomphale et le vendredi de la mise à mort ?
En fait, ceux qui acclamaient Jésus sont sans doute déçus : ils attendaient une solution, rapide et sans frais, à tous leurs problèmes de vie. Comme nous, qui pourrions être tentés de voir dans nos rameaux des sortes des baguettes magiques, qu’il suffirait de déposer dans nos maisons pour nous prémunir des dangers et des épidémies.
Mais le salut que le Christ vient apporter n’est pas de l’ordre de la baguette magique effleurant la réalité. Il vient traverser la réalité. Par la croix, le Sauveur traverse le mal et la mort : mystère de vie qui passe par un bois mort.
C’est pourquoi, nos rameaux verts, nous les fixons traditionnellement sur des crucifix. Ainsi, tous nos espoirs de vie meilleure, nous les accrochons à la croix de Jésus. Tout alors prend du sens : si nous brandissons des rameaux, c’est pour consentir à brandir la croix. La croix, arbre de vie, la croix comme ces branches qu’on aurait pu croire mortes, mais qui commencent à offrir leurs fleurs jaunes, roses ou blanches d’un nouveau printemps. Et pour la croix : d’un printemps éternel !
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Alors, si vous le pouvez aujourd’hui, contemplez depuis chez vous un bel arbre en fleurs ou en bourgeons. Et saluez-le comme un annonciateur du grand mystère qui nous habite : Forsythias, prunus et lilas : tout ce qui témoigne de la vie renaissante n’est qu’un avant-goût d’une beauté plus sublime qui nous attend au paradis.
Un feu d’artifice permanent de couleurs et de parfums, une explosion éternelle de vie… tout cela, jailli du bois de la croix. Cette croix que nous sommes appelés à porter maintenant, courageusement et joyeusement. Car elle est source de vie.
Oui, portez la croix du poids du jour, portez la croix du don de vous-mêmes. Portez la croix en faisant fleurir la vie par des paroles positives même quand vous êtes énervés ; par des paroles de pardon, des paroles de bénédiction. Dites du bien, faites du bien aux autres, aimez ce que vous êtes, laissez le Seigneur vous reconstruire, chantez la beauté de Dieu !
Embrassez la croix, elle bourgeonnera encore davantage, et d’elle jailliront d’innombrables couleurs de vie. Amen.
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