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4 clés pour gérer notre argent
L’argent : voilà bien un sujet tabou ! Les français sont, dit-on, un peuple particulièrement réticent à en parler. Le salaire est comme un secret de confession, et ceux qui réussissent dans la vie ne doivent surtout pas trop le montrer. Comme si gagner sa vie, c’était presque la voler.
Que se cache-t-il derrière cette réticence à parler d’une réalité qui nous touche pourtant au quotidien ? Il n’y a sans doute pas un seul jour sans que nous ouvrions nos portes monnaies ; pas un jour sans que nous payions des factures ou que nous ayons à discerner l’opportunité de tel ou tel achat, de tel ou tel don. L’argent fait partie de la vie. Il conditionne notre subsistance, celle de ceux dont nous avons la charge, et la capacité à réaliser des projets. Il n’a donc pas à être passé sous silence, mais à être évangélisé.
Voilà pourquoi Jésus aborde avec clarté cette question de l’argent ; à plusieurs reprises et dans des contextes différents. Ainsi, il demande au jeune homme riche de tout donner pour le suivre, mais il partage des repas avec des notables ou des amis sans les obliger à abandonner leur bonne situation.
Le Christ est donc loin de proposer une vision unilatérale qui diaboliserait l’argent, comme il est loin d’inviter à s’enrichir impunément. Jésus parle d’« argent malhonnête », mais il conseille de se faire ami de ceux qui en ont. Il dit le danger de faire de l’argent un dieu, mais il n’appelle pas à vivre sans le sou.
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Le point central, le pivot de tout l’enseignement du Christ sur l’argent apparaît avec clarté dans l’évangile de ce dimanche : il y a un propriétaire et des gérants. Le propriétaire, c’est Dieu le Père, toujours. Dans la bouche de Jésus, nous ne sommes jamais dans le rôle des propriétaires ; ça vaut déjà la peine d’être entendu.
Le Christ nous invite en revanche à nous reconnaître dans ce qu’il appelle les gérants. Le propriétaire divin dit même : « mon gérant ». En relation avec le Dieu propriétaire, nous sommes les gestionnaires de ses biens à Lui.
Alors, si vous avez une belle maison, une grosse voiture, un bon compte en banque, une résidence secondaire à la mer ou à la montagne, Jésus ne vous dit pas nécessairement de vous en débarrasser dès aujourd’hui sous peine de damnation éternelle.
Mais c’est comme s’il disait à chacun d’entre nous : « Tout cela, c’est au Père du Ciel. Il te l’a confié en gérance. Ce n’est pas ta maison ; c’est la maison que Dieu t’a laissée pour que tu y fasses la joie de ta famille et que ce soit un lieu accueillant, même pour les plus pauvres. Ce n’est pas ta voiture, mais c’est ce moyen que Dieu t’appelle à bien gérer pour te déplacer, créer des liens, en toute sécurité, voire sans trop te fatiguer ; s’il est utile pour cela que ce véhicule soit confortable, pourquoi pas. Mais jamais en te l’appropriant, toujours en gérance.
Pour que cette gérance se vive vraiment dans l’esprit de l’Evangile et qu’elle nous prépare au Ciel au lieu de nous en fermer l’accès, permettez-moi de vous proposer 4 clés essentielles tirées des divers enseignements du Christ sur l’argent.
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Première clé : la restitution. Le propriétaire ou les circonstances de la vie n’ont pas donné la même somme à chaque être humain. Celui qui a reçu beaucoup a peut-être travaillé avec courage pour y parvenir - et c’est très beau, le courage dans le travail et la légitimité de profiter des fruits de ses efforts. Mais sans oublier que tout vient de Dieu, même notre capacité à faire des efforts.
Par conséquent, quand vous donnez à des pauvres, vous ne faites que rendre ce que vous avez reçu de Dieu. Saint Augustin le disait tout simplement : « Si tu donnais de ton bien, ce serait de la générosité. Puisque tu donnes ce que tu tiens de lui, c'est de la restitution ». Voilà de quoi rabaisser toute prétention à la supériorité quand on est généreux ! De quoi réviser peut-être aussi le pourcentage de nos biens qui vont aux plus nécessiteux, voire de repenser la cohérence d’une participation à la vie de l’Église se limitant à un ou deux euros à la quête ! Quand vous donnez, alors que vous avez beaucoup ou suffisamment, ce n’est pas de la générosité : c’est de la restitution.
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C’est la première clé d’un discernement évangélique sur l’argent. La deuxième arrive en prolongement : nous confessons l’absolue gratuité de Dieu. Le Laus en offre une expérience singulière : de la douceur du message à l’abondance des grâces, nous goûtons ici la généreuse gratuité du Ciel !
Or, si le Propriétaire divin est tellement généreux, comment les gérants pourraient-ils manquer à cette gratuité ? Autrement dit : il nous est absolument nécessaire de poser des actes de gratuité dans nos vies. Et ce n’est pas si simple, la gratuité. La tentation de l’acte généreux, c’est souvent d’attendre quelque chose en retour.
Bien sûr, la reconnaissance est essentielle dans les relations humaines. Dès qu’on est petit, on nous apprend à dire « merci », et c’est normal. Mais en avançant dans le désir de conformation au Christ, on découvre que même ce « merci » doit être purifié de tout retour à soi. On vous dit « merci » pour le cadeau que vous avez offert ? Très bien ! Mais ne manquez pas d’orienter ce merci vers le Propriétaire divin qui vous a donné les moyens d’offrir. En permanence, tout orienter vers le Dieu gratuit ; voilà qui nous éduque à la gratuité et nous prépare au Royaume éternel qui n’est que gratuité.
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C’est la deuxième clé de discernement sur l’argent. La troisième est clairement évoquée aujourd’hui par le Christ : la sécurité. Face à tous les aléas de la vie, à tout ce qu’on maîtrise si peu dans l’existence, il y a au fond du cœur humain un légitime désir de stabilité, de sécurité. D’où cette question que Jésus pose aujourd’hui : où mettez-vous votre sécurité ? En Dieu ou dans l’argent ? Dans un compte en banque, dans de la pierre ou dans la foi ?
Si nos sécurités sont dans l’argent ou la bonne santé, quand l’un ou l’autre vient à manquer, tout risque de s’effondrer. Les biens matériels peuvent donner l’illusion de maîtriser les aléas de la vie. Mais les milliardaires meurent comme les autres ; peut-être dans des chambres d’hôpital plus luxueuses, mais ils meurent comme tout le monde.
Dans la parabole du chapitre 12 de saint Luc, Jésus appelle « fou » ou « insensé » celui qui se construit des réserves alors qu’il va mourir la nuit suivante. S’il l’avait su, aurait-il perdu son temps à constituer des stocks ? Alors, sachons-le : nous allons tous mourir un jour. Le seul stock vraiment nécessaire, c’est de nous enrichir d’amour. Voilà notre seule sécurité : l’amour de Dieu auquel nous cherchons à répondre en aimant mieux les autres.
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A cette troisième clé pour discerner notre utilisation de l’argent s’ajoute une dernière. C’est la moins évidente, la plus difficile à mettre en œuvre, sans doute ; mais elle est incontournable dans l’enseignement du Christ. Marc, chapitre 12 : l’obole de la veuve, qui donne de son nécessaire. Pas seulement de son superflu comme tant d’autres, mais de son nécessaire !
Quand donc avez-vous donné de votre nécessaire, et non simplement de votre superflu ? C’est une grande question, sans doute fort dérangeante. Mais Jésus vient pour nous déplacer afin de nous dessaisir de nous-mêmes et de nous rendre au Père dans l’Esprit. C’est là le seul nécessaire, devant lequel tout autre nécessaire devient du secondaire. Non pas en oubliant de vivre, mais en ordonnant notre vie à sa fin ultime.
Alors, en matière d’argent, comme de temps et d’ouverture du cœur, un discernement sur le nécessaire est vraiment… nécessaire ! Sans doute ne peut-on d’ailleurs pas le réaliser tout seul ; mais il est à oser, pour voir comment répondre à la demande de Jésus, en se fondant sur l’Unique nécessaire qu’est Dieu Lui-même.
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Voilà donc 4 clés, exigeantes et libératrices à la fois. 4 clés pour consentir joyeusement à assumer la mission de gérants que le Dieu propriétaire nous confie. Quelle confiance de la part de ce Père qui sait pourtant nos fragilités ! Mais il nous appelle sans cesse, par son Fils et dans l’Esprit, à oser vivre pleinement et uniquement cette vocation de gérants : dans un souci de restitution, dans un désir de gratuité, dans une vigilance à n’avoir d’autre sécurité que Dieu Lui-même, et en osant discerner ce qui nous est nécessaire pour l’offrir aussi. 4 clés de discernement, qui ouvrent grand à la richesse du Ciel ! Amen.